Par M'hamed JAIBI Jusque-là incertaine et sans cesse repoussée, la tenue des élections municipales se trouve, depuis l'adoption de la loi électorale, dûment confirmée et dotée d'une date approximative. D'où de nouvelles attitudes au sein de la classe politique, comme l'évolution des positions d'Ennahdha et de la direction officielle de Nida Tounès. Le parti islamiste, qui affirmait devoir présenter ses propres listes juste consolidées par des figures issues de la société civile, se met à souhaiter fortement des listes de coalition avec des partis alliés, notamment Nida Tounès. Et cette disposition en faveur de listes communes semble trouver écho auprès de certains nidaïstes, notamment dans l'entourage de Hafedh Caïd Essebsi et au sein d'une partie du groupe parlementaire de son parti. L'hypothèse d'un congrès électif Ce, alors que ledit «Comité de salut» conduit par Ridha Belhaj, tout en appelant à une tenue préalable d'un congrès électif de réconciliation de Nida, privilégie une alliance avec divers courants modernistes, qui exclurait Ennahdha. Une attitude qui rejoint celle de Machroû Tounès avec qui Belhaj retrouve des atomes crochus. Cette hypothèse du congrès électif est également avancée par Hafedh Caïd Essebsi, mais ce dernier estime ne devoir composer, dans ce sens, qu'avec ceux qui reconnaissent la légitimité du Comité politique qu'il dirige et des structures régionales en place. Alors que d'autres groupes de nidaïstes opteraient pour une vaste réconciliation impliquant les ministres et anciens ministres, l'ensemble du groupe parlementaire, l'état-major de Hafedh Caïd Essebsi et celui de Ridha Belhaj, ainsi que «Chaâb ennida», ces multiples groupes de militants ayant activement contribué à la fondation de Nida Tounès et à ses victoires électorales. Al Joumhouri et Néjib Chebbi De son côté, Al Joumhouri a lancé, du haut de la tribune de son récent congrès, l'idée d'une large coalition qui coïnciderait avec l'éventail des signataires de l'Accord de Carthage, acte de naissance du gouvernement Chahed «d'union nationale». Une position que partage et qu'avait anticipée Néjib Chebbi, bien qu'il ne fasse plus partie d'Al Joumhouri et qu'il songe à fonder une autre formation. L'idée de Néjib Chebbi, laquelle lui permettrait, certes, de se replacer confortablement dans l'échiquier, découle d'un souci de préserver au maximum la cohésion nationale autour du processus de reconstruction et de relance du pays, en évitant de voir les municipales disloquer le consensus actuel. Les enjeux et les risques Les prochaines élections municipales interviennent à un moment délicat de la construction démocratique du pays, où les institutions de la IIe République ne sont pas finalisées et restent fragiles, et où une nouvelle confrontation électorale entre modernistes et islamistes pourrait bien raviver les séquelles de la division, au détriment du consensus actuel en vue de la relance de l'économie et du développement. Or, seule une telle relance aurait des chances d'amener un début de concrétisation des fameux «objectifs de la révolution» dont la croissance, l'emploi et l'émancipation des régions. Les risques de dérapage sont clairs, mais les enjeux électoraux sont évidents et ne manqueront pas de déterminer les stratégies des différents protagonistes, dont les nouveaux et futurs partis qui s'annoncent. Reste que l'hypothèse d'une trop large coalition priverait les municipales de tout mordant électoral, les ramenant au carré de l'unanimité bien connue et éprouvée depuis l'indépendance du pays. Est-ce le bon choix pour construire la démocratie de proximité et le pluralisme effectif ?