Alors que la Banque centrale de Tunisie (BCT) a annoncé mercredi 8 octobre 2025 que le pays avait remboursé 125 % des échéances prévues de sa dette extérieure à fin septembre 2025, plusieurs économistes appellent à la prudence dans l'interprétation de ces chiffres. Les analystes Bassem Neifer et Aram Belhaj soulignent que toutes les dettes extérieures de l'année n'ont pas encore été totalement remboursées, malgré des progrès notables. Selon les données officielles publiées par la BCT, la Tunisie a réglé 10 549,2 millions de dinars de dettes extérieures au 30 septembre 2025, dépassant ainsi les 8 469 millions de dinars inscrits dans la loi de finances pour l'année. Ce dépassement a été présenté comme un indicateur de bonne gestion financière, suggérant que le pays aurait soldé l'ensemble de ses engagements extérieurs avec trois mois d'avance. Une lecture partielle et imprécise, selon les experts L'analyste financier Bassem Neifer rappelle que les 125 % annoncés englobent les dettes extérieures de l'Etat mais aussi celles du secteur privé, conformément aux normes internationales de la balance des paiements. Il souligne également que les 8 469 millions de dinars mentionnés dans la loi de finances correspondent uniquement au principal de la dette publique, et non à la totalité du service de la dette, qui inclut les intérêts. Cette lecture est appuyée par Aram Belhaj, professeur d'économie, qui précise que le montant global du service de la dette extérieure pour 2025 s'élève à 10 393 millions de dinars, répartis entre 8 469 millions de principal et 1 924 millions d'intérêts. Plus de 500 millions de dinars encore à rembourser d'ici décembre Selon Belhaj, la Tunisie doit encore verser environ 516 millions de dinars d'ici la fin de l'année. Ces échéances concernent notamment : 61 millions de dinars au Fonds monétaire international (FMI) en octobre, 111 millions de dinars au FMI en novembre, 140 millions de dinars au FMI en décembre et 204 millions de dinars à l'Afreximbank en décembre. Ces chiffres contredisent donc l'idée d'un remboursement total et anticipé des dettes extérieures de 2025. Malgré cela, les deux experts s'accordent à reconnaître une amélioration notable de la situation financière du pays. Bassem Neifer souligne que la Tunisie n'a pas eu recours à de nouveaux emprunts extérieurs pour honorer ces paiements, et que le niveau des réserves en devises reste solide, soutenu notamment par les revenus touristiques et les transferts des Tunisiens de l'étranger. Cette dynamique a permis une réduction progressive du recours à l'endettement extérieur. Neifer anticipe d'ailleurs une charge de remboursement extérieure plus faible en 2026, en raison d'un excédent des remboursements sur les emprunts ces dernières années. Pour Belhaj, le risque à court terme n'est plus le défaut de paiement, mais plutôt la capacité de l'Etat à mobiliser les ressources disponibles pour relancer l'économie réelle. Il alerte sur la nécessité de sortir d'une gestion purement comptable pour s'orienter vers une stratégie de croissance inclusive et soutenable.