Il est des commémorations desquelles on ne peut se détacher. La fête de l'Evacuation, qui marque le départ du dernier soldat de l'occupation française, en fait partie. Cet événement laisse une empreinte indélébile dans la mémoire nationale, et il est essentiel que les jeunes générations en comprennent pleinement l'importance. La Presse — Aujourd'hui, 15 octobre 2025, la Tunisie célèbre le 62e anniversaire de la fête de l'Evacuation, symbole de l'indépendance totale et de la souveraineté retrouvée. En ce jour de l'année 1963, le dernier soldat français quittait la base navale de Bizerte, tournant ainsi la page de plus de huit décennies de présence militaire étrangère sur le sol tunisien. Une bataille pour la dignité nationale La bataille de Bizerte, survenue entre le 19 et le 22 juillet 1961, reste l'un des épisodes les plus marquants, mais aussi les plus douloureux de la lutte tunisienne pour la pleine indépendance. Ce conflit sanglant opposa les forces tunisiennes à l'armée française, alors que Tunis exigeait l'évacuation de la base militaire aéronavale de Bizerte, dernier bastion colonial après l'indépendance du 20 mars 1956. En dépit de la proclamation de l'indépendance de la Tunisie, la France avait conservé plusieurs privilèges économiques et militaires, notamment le contrôle de cette base stratégique, considérée comme essentielle pour ses opérations en Méditerranée et en Afrique du Nord. Toutefois, et après l'échec des négociations entre le leader Habib Bourguiba et le général Charles de Gaulle en février 1961, Paris entreprit l'agrandissement de la base Bizerte Sidi Ahmed, un geste perçu comme une provocation. Bourguiba réagit en mobilisant l'armée et la population pour défendre la souveraineté du pays. Les affrontements éclatèrent le 19 juillet 1961 et durèrent quatre jours. Ils furent d'une extrême violence. Un massacre est perpétré par l'armée française. Le président français à cette époque, Charles de Gaulle, voulait en quelque sorte «punir» la Tunisie. Plus de 2.000 Tunisiens, pour la plupart des civils, tombèrent en martyrs selon les historiens, contre une trentaine de morts du côté français. Le nombre de martyrs avancé officiellement est estimé à 639 ! Le triomphe de la souveraineté Sous la pression internationale, le Conseil de sécurité de l'ONU imposa un cessez-le-feu le 22 juillet 1961, ouvrant la voie à de nouvelles négociations diplomatiques. Ces pourparlers aboutirent en janvier 1962 à la reconnaissance du droit tunisien sur Bizerte. Finalement, le 15 octobre 1963, les derniers navires français quittèrent le port. «Lâchez les amarres ! Cet ordre, lancé de la passerelle du Gustave-Zédé, qui bat la marque du contre-amiral Vivier, a signifié mardi, à 15 h. 30 très exactement, le départ définitif des dernières troupes françaises de Bizerte, plus de quatre-vingts ans après l'installation de la base aéronavale. Dans la matinée, l'aérodrome de Sidi-Ahmed avait été remis à la garde nationale», d'après les archives du journal français Le Monde. Et c'est dans une atmosphère d'euphorie populaire que le drapeau tunisien fut hissé sur la base aéronavale Sidi Ahmed par Bahi Ladgham. A cette date mémorable, la Tunisie recouvrait la totalité de son territoire. L'évacuation de Bizerte mit un terme définitif à la présence militaire française et consacra l'indépendance totale du pays. Plus de six décennies après ces événements, la fête de l'Evacuation reste ancrée dans la mémoire nationale. Elle rappelle le prix de la liberté et l'unité du peuple tunisien face à l'adversité. À l'occasion de la commémoration de cette fête en octobre 2024, le Chef de l'Etat, Kaïs Saïed, avait présidé la cérémonie officielle au Carré des Martyrs de Bizerte. Dans son allocution, il a salué «le courage et la fidélité des générations qui ont défendu la patrie au prix de leur sang», affirmant que «la Tunisie restera éternellement indépendante et que sa souveraineté n'est pas négociable».