En présence du Premier ministre israélien, le président américain a relancé la controverse autour du règlement du problème israélo-palestinien, en laissant entendre qu'une solution à un Etat pouvait être envisagée... La question de la paix au Proche-Orient occupe le devant de la scène médiatique ces derniers jours, au gré de déclarations faites à Washington. Surgie presque de nulle part, l'hypothèse d'une solution à un seul Etat s'est à nouveau invitée dans les débats. Il a suffi à Donald Trump de lâcher à des journalistes les mots suivants : «Nous avons une solution à deux Etats et une solution à un Etat et je soutiens celle que les deux parties veulent avoir...». C'était lors de la conférence de presse qui avait été organisée à l'occasion de la visite à Washington, mercredi dernier, du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. En réalité, l'option d'une paix à un seul Etat ne vient pas tout à fait de nulle part : elle est défendue par une frange de la droite israélienne, qui continue de rêver d'un grand Israël, qui pousse à la colonisation de toujours plus de terres dans les territoires palestiniens et qui se soucie peu de savoir de quelle forme de citoyenneté jouiraient les Palestiniens à qui le destin aurait dicté de demeurer dans cet Etat en réalité israélien, dont les limites auraient été simplement élargies. La solution d'une paix à un seul Etat n'est-elle pas plutôt la solution d'un Etat juif au mépris de la paix ? La solution d'un Etat d'apartheid, comme le soulignent certains ? C'est pourquoi la déclaration de Trump a été immédiatement interprétée par les analystes comme une façon de complaire à la droite israélienne. D'autant qu'elle tranche avec la position désormais classique de la diplomatie américaine, à travers la succession des administrations, démocrate et républicaine. Cela étant dit, on doit reconnaître que cette déclaration aura eu un avantage indéniable : elle a permis de mesurer à quel point la communauté internationale tient à la solution des deux Etats, solidaire en cela de la position de l'autorité palestinienne, comme d'ailleurs de celle d'une frange non négligeable de la scène politique israélienne. Rarement propos d'un dirigeant politique n'avait eu autant d'échos positifs: réagissant aux déclarations de Trump, Mahmoud Abbas avait rappelé l'attachement des Palestiniens à la solution à deux Etats. Et voilà que, au Caire, dès le lendemain, se faisait entendre le même son de cloche, non seulement de la part du secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, mais aussi du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, présent en Egypte à ce moment : «Tout doit être fait pour une solution à deux Etats», avait-il déclaré... En France, le ministre des Affaires étrangères adoptait un ton plus polémique à l'égard de Trump : «La position américaine est très confuse», lâchait-il. Notons bien qu'en cette affaire la France n'est pas seulement un pays dont la voix compte en tant que membre de l'Union européenne : elle est aussi le pays qui a récemment organisé sur son sol une conférence internationale pour la paix au Proche-Orient. Cette conférence, qui s'est déroulée en deux temps, le 3 juin 2016 puis le 15 janvier 2017, a rassemblé, on s'en souvient, quelque 70 participants, parmi lesquels les pays du Quartet (Etats-Unis, Union européenne, Russie et Nations unies), les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, les pays du G20, ainsi que des pays arabes... Les deux pays concernés, la Palestine et Israël, avaient été maintenus à l'écart, mais il ressortait clairement de ce vaste conclave qu'il n'y avait pas d'issue viable en dehors de la solution à deux Etats. C'est en tant que dépositaire de ce consensus, fruit de la double réunion de Paris, que s'est exprimé Jean-Marc Ayrault, bien plus que porteur du titre de chef de la diplomatie franco-française, pour ainsi dire. Face à la levée de boucliers, la diplomatie américaine a dû rectifier le tir, mais sans tout à fait se départir d'une certaine ambiguïté. Dès jeudi, et à l'issue d'une réunion du Conseil de sécurité consacrée justement au Proche-Orient, Nikki Haley, ambassadrice auprès de l'ONU, a affirmé que les Etats-Unis soutenaient «absolument» la solution à deux Etats, en ajoutant toutefois qu'ils n'écartaient pas des «alternatives»... De quoi s'agit-il ? On l'ignore. Ce qu'on peut retenir, en revanche, c'est qu'un tel revirement de Washington avait déjà été observé au sujet de la question du transfert de l'ambassade américaine en Israël, qui avait fait l'objet de promesses de la part de Donald Trump lors de sa campagne. Aujourd'hui, le président américain a décidé de ranger le projet dans un tiroir : ce n'est pas le moment, explique-t-il à ses interlocuteurs israéliens. Que faut-il penser de cette politique du repli stratégique venant d'un négociateur tel que Donald Trump ? Les mois qui viennent nous diront si le président américain a définitivement renoncé à l'idée d'une solution à un seul Etat avec Jérusalem (Al-Qods) pour capitale, et s'il ne cherche pas en réalité à ménager ses amis israéliens dont il sait qu'il devra les décevoir, ou s'il ne nous prépare pas un retour inattendu de cette «alternative», le temps que les esprits se calment...