Plusieurs spécialistes participant à une table ronde intitulée « Les répercussions du cancer sur les relations conjugales », organisée ce vendredi par l'Union Nationale de la Femme Tunisienne (UNFT), ont souligné l'importance de l'encadrement familial dans le processus de traitement des femmes atteintes de cancer, en particulier le soutien psychologique et conjugal. Arbia Lahmar, assistante sociale au centre d'encadrement et d'orientation de l'UNFT, a indiqué que des femmes atteintes de cancer, écoutées par l'Union, ont confié le refus de leur conjoint de la perte d'un ou des deux seins, le non-acceptation de la maladie et l'incapacité à poursuivre la vie conjugale. Certaines d'entre elles ont affirmé que le mari quitte le domicile conjugal, retourne chez ses parents, ou loue une maison séparée. Il peut également faire pression sur son épouse pour qu'elle accepte l'idée d'un divorce par consentement mutuel ou intenter une action en justice contre elle sous prétexte qu'elle n'a pas rempli ses devoirs conjugaux. Abdelaziz Falfoul, spécialiste en gynécologie-obstétrique, a estimé que le cancer du sein ne concerne pas seulement la patiente, mais toute la famille, car l'encadrement familial est très important dans le processus de traitement et de guérison du cancer du sein. Il a souligné que cela augmente le moral de la patiente et sa confiance en elle, appelant la famille, et le conjoint en particulier, à faire preuve de compréhension et à ne pas réagir négativement à l'annonce du cancer. Il a insisté sur la nécessité de diffuser une culture de la réconciliation avec le cancer et de ne pas le considérer comme une « maladie maligne » qui décourage les patientes et les classe parmi celles qui sont plus exposées à la mort que les autres. Il a également souligné l'importance du dépistage précoce, qui est la pierre angulaire de la prévention du cancer du sein. Il a précisé que la Tunisie a récemment enregistré 12 000 cas de cancers féminins, dont la moitié sont des cancers du sein, notant que les cancers féminins sont en augmentation, à l'instar du cancer du col de l'utérus, de l'ovaire et de l'endomètre. Face à l'aggravation des cas de cancer, le spécialiste a appelé l'Etat à développer un système d'assurance maladie spécifique à cette maladie, soulignant que les contraintes financières empêchent encore de nombreuses patientes de terminer leur parcours de soins. Cherifa Tlili, psychiatre, a estimé que la découverte d'un cancer féminin représente un choc psychologique pour de nombreuses patientes, ce qui peut conduire à des idées noires ou à l'apparition de troubles psychologiques tels que la dépression et l'anxiété. Elle a affirmé que chaque femme atteinte porte sa propre expérience de la maladie, en raison de plusieurs facteurs, notamment psychologiques, sociaux et matériels. Elle a souligné que le regard de la société sur la femme atteinte de cancer, qu'il soit un regard de pitié ou de discrimination exclusionniste en raison de la maladie, ajoute au fardeau et aux répercussions de la maladie sur elle. Elle a expliqué que la famille de soutien qui prend en charge la femme atteinte à toutes les étapes, de l'annonce du diagnostic à la chimiothérapie ou à la mastectomie, permet à la patiente d'accepter la maladie et d'être convaincue de l'efficacité du traitement. Elle a ajouté que l'un des sujets tabous lorsque l'on est atteint du cancer du sein est l'impact de la maladie sur la relation sexuelle entre les conjoints, compte tenu de l'état psychologique fragile de la patiente, et de son changement de perception de son corps après l'ablation ou la perte de cheveux. Le conjoint peut également s'abstenir d'exprimer son désir sexuel ou s'éloigner de sa femme, en raison d'un sentiment de choc, de peur, ou de son ignorance quant à la manière de la traiter après la maladie. Elle a insisté sur l'importance de la sensibilisation, de la diffusion d'informations et de la mise à disposition d'espaces de thérapie psychologique pour la personne atteinte de cancer, ainsi que pour sa famille proche, et en particulier le conjoint.