Au vu du nombre immense de listes électorales qui pourraient probablement se porter candidates, la Cour des comptes aura très vraisemblablement des difficultés majeures pour effectuer un contrôle en bonne et due forme sur le montant des campagnes électorales et les sources de financement. L'Union des magistrats de la Cour des comptes et l'organisation internationale « Democracy Reporting International » ont organisé hier une rencontre sur le rôle du juge financier dans le soutien de la gouvernance locale. Invité à prendre la parole, le président de l'Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc), Chaouki Tabib s'est montré sceptique quant à la volonté des gouvernements, dans le monde arabe en particulier, à faire face à la corruption. Selon lui, la politique suivie est celle des coupures budgétaires infligées aux différentes institutions censées lutter contre la corruption. « Ce n'est pas un hasard si le budget de la Cour des comptes est de 1 milliard seulement, celui du Tribunal administratif 150 mille dinars uniquement, lance-t-il. Pour l'Inlucc, nous sommes restés deux ans sans budget, et ce n'est qu'après avoir fait pression que nous avons réussi à arracher un budget de 320 mille dinars, puis 2 milliards ». Tabib rappelle, lors de son intervention, qu'il ne peut y avoir une vraie transition démocratique sans une justice libre, capable d'affronter la corruption. En ce qui concerne la gestion des finances locales, les intervenants ont soulevé plusieurs problématiques liées aux dispositions du projet de Code des collectivités locales (CCL), qui en est aujourd'hui à sa 13e version. A cet effet, le président du syndicat des magistrats tunisiens, Fayçal Bousslimi, a exprimé son regret de voir que leurs propositions d'amendements « ont toutes été jetées à la poubelle ». La formation des cadres locaux n'a pas commencé De son côté, l'universitaire et expert de la gouvernance locale, Mejdi Hassen, a déclaré que le flou qui entoure les dispositions portant sur les recours financiers pourrait engendrer, au lendemain des élections municipales, des « débordements ». Il indique, par ailleurs, que sur le plan financier la notion de « libre administration » aura certainement des implications très importantes à prendre en considération, dans le sens où le candidat aux municipales peut se faire élire sur des promesses qui aboutiront à des engagements financiers sur plusieurs années. L'universitaire note, par ailleurs, que la formation des cadres locaux, qui seront appelés à gérer des fonds de plus en plus grands (compte tenu des dotations financières qui croîtront à mesure que les prérogatives des collectivités locales augmentent), n'a pas encore commencé. L'élection étant avant tout politique, Mejdi Hassen a précisé qu'il faudrait être attentif à ce que les élections municipales ne soient pas l'occasion d'instaurer une injustice fiscale entre les électeurs locaux. De nombreuses interrogations De son côté, intervenant lors du débat, Adel Ghozzi, président de l'Association des cadres de contrôle, d'inspection et d'Audit dans les structures publiques tunisiennes (Accia), s'est dit particulièrement préoccupé par la signification des termes de « libre administration » inscrite dans la Constitution et « contrôle a posteriori », prévu par le projet de CCL. En effet, ces derniers renvoient au fait que désormais les finances locales ne seront plus soumises au contrôle, pendant l'exercice, mais plutôt après l'engagement des dépenses. Cela inquiète Adel Ghozzi, pour qui tout cela est une aberration. « Normalement, le système de contrôle devrait être un dosage entre le contrôle a priori et le contrôle a posteriori », a-t-il expliqué. La question du financement des campagnes électorales a également soulevé de nombreuses interrogations. C'est ainsi que Alia Baratli, commissaire du gouvernement près la Cour de discipline financière, a indiqué qu'au vu du nombre immense de listes électorales qui pourraient probablement se porter candidates, la Cour des comptes aura très certainement des difficultés majeures à effectuer un contrôle en bonne et due forme sur le montant des campagnes électorales et les sources de financement.