L'idée de Mohsen Marzouk a pris corps, érigée en réalité : le Front national du salut, rebaptisé «Front du salut et du progrès (FSP)» vient enfin de naître à Tunis, dont le congrès constitutif a eu lieu, en ce 2 avril 2017. Au forceps, certes, mais il semble avoir tenu bon. Hier matin, le Palais des congrès s'est paré de ses plus beaux atours pour abriter la cérémonie de lancement d'une nouvelle coalition partisane hétéroclite, aux idéologies diverses. L'ambiance était aussi festive, sur fond d'un cocktail musical bien orchestré par Fadhel Jaziri et chanté par une chorale de jeunes sympathisants. Du folklore et du sérieux ! Ainsi va la vie des partis Deux heures après, le carnaval des mots et des discours a, bel et bien, commencé. Mme Samira Chaouachi, de l'UPL, a d'emblée pris la parole pour se féliciter de ce nouveau-né qui s'ajoute à la scène politique. Sa naissance, dit-elle, fait suite à un marathon de pourparlers qui a duré des mois dont l'ultime but est, selon elle, de servir l'intérêt du pays et de son peuple. Ensuite, un ballet d'hommes politiques passe à la tribune, à raison de cinq minutes d'intervention pour chacun. « Machrou Tounès », l'initiateur, et son premier partenaire « l'Union patriotique libre (UPL)», suivis par le comité politique dissident de Nida Tounès, « Parti socialiste », «Parti du travail national démocratique », « Mouvement de la jeunesse nationale tunisienne », « Parti des constantes (Athaouabet) », « Mouvement Tunisie avenir », « Parti d'union populaire (PUP) et « Mouvement du centre démocratique (MCD), dix partis qui sont, volontairement, engagés sous une même bannière, auxquels s'associent trois indépendants, à savoir Abdelaziz Mzoughi, Mahmoud Baroudi et Abdelaziz Kotti. Reste à se poser une question: une telle union fait-elle, vraiment, la force? Ennahdha dans le viseur Tour à tour, leurs secrétaires généraux ont, chacun à sa manière, fait le show des mots, se posant en petit soldat au baptême du feu. M. Mohsen Marzouk, numéro un de « Machrou » a tenu à ouvrir le débat, donnant, ainsi, lieu à un flot de déclarations de guerre à peine voilées. Et des critiques assez virulentes lancées à l'encontre d'Ennahdha et de Nida fusaient, alors, de part et d'autre. «C'est, en fait, une rencontre historique qui nous réunit en front uni, la main dans la main, pour le bonheur de la Tunisie, et par fidélité au drapeau national », affirme-t-il. Et de poursuivre que ce front est un cadre idéal de coordination, il ne remplace pas les partis. Cinq points ont été retenus comme fondamentaux du travail collectif : l'allégeance à la mère-patrie (sauvegarde de ses institutions), le progrès, mot trois fois répété pour signifier la volonté de réforme, la protection du mode de vie des Tunisiens, le parachèvement des institutions constitutionnelles, à même d'appliquer la loi, et la question culturelle comme pilier de la créativité. Son partenaire, le premier à avoir tourné le dos au fameux Pacte de Carthage, M. Slim Riahi, président de l'UPL, est le dernier à s'être prononcé sur le nouveau-né. En signe de représailles, en quelque sorte. « La formation de pareil front à obédience centro-sociale est une nécessité, dans lequel tous les Tunisiens sont représentés.. ». Loin des entités opportunistes qui ne cherchent que leurs intérêts étroits. Et là, M. Riahi vise, clairement, M. Mehdi Jomaâ qui vient récemment de lancer son nouveau parti «l'Alternatif tunisien » (Al Badil Ettounsi). Sans, pour autant, oublier de tirer à boulets rouges contre les ténors nahdhaouis et à leur tête Rached Ghannouchi, chef du mouvement islamiste. Ce mouvement, il le considère comme l'autre face du terrorisme, n'ayant aucun programme ni vision. « Sauf qu'il investit dans la pauvreté des gens». Et de conclure, «Notre rôle est de remettre la démocratie sur les rails». Même son de cloche du côté de M. Mohamed Kilani, secrétaire général du Parti socialiste, qui a souligné que le front est né d'un long parcours truffé de difficultés. L'essentiel étant, pour lui, de sortir la Tunisie de sa crise. «Grâce à des concessions, on a franchi un pas important. Mais, il y a certains qui voudraient nous couper l'herbe sous les pieds», révèle-t- il. Ses successeurs, Abderrazak Athemni, du Parti du travail démocratique, Chokri Hermassi, du parti « Athaouabet », et Houcine Hammami, du PUP, ont, pris la parole pour dire la même chose, à quelques nuances près. Leur discours s'en tient à l'essentiel : « Que leur union puisse faire la force, aux fins de tirer le pays vers le haut et pallier aux difficultés du présent». D'après M. Ridha Belhaj, nidaiste dissident, le front, résultant d'une situation critique, puise dans des références démocrates-progressistes. Il a pointé du doigt le mouvement d'Ennahdha pour avoir impacté négativement sur le pays. Les indépendants ont, eux aussi, leur lot d'accusations à l'encontre d'Ennahdha. M. Abdelaziz Mzoughi l'a accusé de forces rétrogrades. Mahmoud Baroudi a, quant à lui, qualifié la naissance de ce front comme fondation de la IIIe République. Ses critiques touchent le régime politique, un choix n'est pas conforme aux orientations de l'Etat. « Une nouvelle page de l'histoire vient de s'ouvrir », juge M. Abdelaziz Kotti, soulignant que la responsabilité est partagée. Manifeste en 12 points En marge du congrès, les partis ont signé le manifeste du Front du salut et du progrès, dans une ambiance d'enthousiasme et de fierté. Leur profession de foi s'engage à réaliser 12 points : la souveraineté nationale, la transition démocratique, l'équilibre politique, des choix économiques participatifs, la consolidation des acquis de la femme tunisienne, la lutte antiterrorisme, l'Etat des droits et des institutions, l'intégrité de l'administration, la lutte contre la corruption, l'évasion fiscale et le commerce parallèle, stratégies des grandes réformes, la réconciliation globale et la préservation des libertés.