Le congrès de Afek Tounes et la réunion constitutive du Front d Salut et du Progrès ont marqué l'actualité politique de cette fin de semaine. Des slogans en faveur de l'ouverture, de l'intérêt national, de la nécessité de s'améliorer et de s'unir pour l'intérêt du pays ont été scandés de toutes parts. Pour y parvenir, les solutions sont complètement différentes. Le congrès de Afek Tounes qui a débuté le 31 mars à Tunis et a été clôturé le 2 avril à Sousse, a été marqué par la réélection de Yassine Brahim, sans grande surprise, à son poste de président du parti. L'actuel président a remporté la manche face à Faouzi Ben Abderrahman avec 69,8% des voix contre 30,2%. Cet événement a ainsi permis de mettre la lumière sur les mécanismes démocratiques pratiqués au sein du parti. « Une véritable leçon de démocratie », ont commenté plusieurs observateurs de la scène politique. Plusieurs personnalités nationales, de tous bords, ont répondu présentes au congrès. On remarquera surtout la présence de Rached Ghannouchi, Mohamed Ennaceur, Mehdi Jomâa, Raja Farhat, Noureddine Ben Ticha, Youssef Seddik, etc. Fêtant ses 6 ans, Afek Tounes affiche des bases solides et semble rester à l'abri des tiraillements et crises qui secouent des partis tels que Nidaa Tounes. En plus de l'exercice démocratique offert par le parti, dimanche, à l'opinion publique, le congrès a été une occasion pour Afek d'innover ses structures et de s'ouvrir sur de nouvelles personnalités nationales et régionales. « Ce congrès montrera à l'opinion publique et aux Tunisiens que le parti a bien grandi » a déclaré Yassine Brahim. En effet, Afek compte aujourd'hui près de 14.000 nouveaux adhérents et est à 140 sections sur les 270 délégations. Ceci dit, ce congrès n'a pas vu l'émergence d'un quelconque programme ou idées nouvelles émanant d'une évaluation critique de la situation actuelle. « Nous devons tous être debout pour la Tunisie, mais la Tunisie doit aussi se mettre debout et commencer à marcher », a déclaré Yassine Brahim dans son discours d'ouverture, seulement il n'a pas dit comment il comptait y arriver. Ce qui a surtout été visible lors de ce congrès, c'était l'image que le parti a essayé de donner, « aussi bien à l'intérieur de la Tunisie, qu'à l'international ». L'image d'un parti « vivant en réelle démocratie », selon les cadres qui se sont exprimés lors du congrès du parti, ayant atteint « l'âge de la maturité ». Une étape qui lui permettra, explique-t-on, d'être pleinement responsables pour apporter des solutions au pays.
Autre décor, autres discours. Du côté du Front du Salut, le ton est plus acerbe. Slim Riahi, président de l'UPL et ancien candidat à la présidentielle, critique, pêle-mêle, Ennahdha, Al Badil et Afek Tounes. Tout en se disant « prêt à l'ouverture et à s'allier même avec des partis salafistes et Hizb Ettahrir », le membre du Front affirme qu' « il n'y a pas de place pour les arrivistes au sein du Front du Salut », en désignant ouvertement Afek de Yassine Brahim et Al Badil de Mehdi Jomâa. Pour Slim Riahi, le Front et Ennahdha ont deux projets de société diamétralement opposés. « L'un est ouvert, tolérant, progressiste, moderniste et démocratique, l'autre est obscurantisme basé sur les principes religieux et le double discours », a-t-il indiqué. Tout en qualifiant le parti de Rached Ghannouchi de « responsable des actions terroristes enregistrées dans le pays » il va même jusqu'à affirmer qu'il y a plus de 13 mille associations de bienfaisance qui « pratiquent le terrorisme social qui est à l'origine du terrorisme tout court et qu'il faut combattre, car il s'agit-là d'une manière de jouer sur la fibre de pauvreté des gens », selon ses propres termes.
Plusieurs dirigeants composent le Front du Salut et du Progrès. On retrouve en plus de Slim Riahi, Mohsen Marzouk, Ridha Belhaj, Abdelaziz Mzoughi, Mohamed Kilani, Mahmoud Baroudi, Abderrazk Othmani, Marouen Sebaï, Chokri Hermassi, Malek Sayhi, Houcine Hammami, Nejib Hajri et Abdelaziz Kotti. Les visages et les appartenances politiques changent, alors que les discours restent au fond les mêmes. Si Slim Riahi attaque Ennahdha, Afek et Al Badil, Mohsen Marzouk tance, quant à lui, subtilement, son ancien parti Nidaa et à sa tête Hafedh Caïd Essebsi. « Le Front travaillera sur cinq grands axes principaux, le premier étant, l'allégeance à la patrie et uniquement à la patrie. Nous veillerons à séparer les affaires familiales du pouvoir et de l'Etat », a-t-il dit dans son discours.
Le message est donc clair, le Front du Salut et du Progrès se veut être un rempart contre « le double discours » d'Ennahdha, « l'arrivisme politique » d'Afek et de Badil et « le népotisme » de Nidaa. Voilà qui est dit ! Un projet qui rappelle celui de l'ancien Front du Salut, qui avait pour unique mission de contrer le parti Ennahdha, sans mettre en place le programme qui va avec. Cette position offensive ne s'éloigne pas de celle du Front du Salut de 2014, qui, lui, n'a pas fait long feu et s'est cassé les dents à l'approche des élections. D'ailleurs, la version 2017 soutient, elle aussi, que les parties la composant participeront aux élections municipales avec des listes unifiées.
Avec l'effritement de certains partis et le maintien sur la scène politique d'autres, l'échiquier politique national est en train de se recomposer. Autant la scène politique nationale que la situation actuelle du pays nécessitent des partis aux bases solides et au programme clair. Cela certains l'ont compris, alors que d'autre continuent, en revanche, à s'inspirer des expériences du passé, quitte à reproduire les mêmes erreurs.