Incomprise et tardive, la décision de la Haica de suspendre la collaboration entre la chaîne TV privée et des radios régionales fait face à une vague de critiques. L'information libre serait-elle mise au pas par une instance censée la défendre ? Le conseil de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) a décidé la suspension de la transmission des programmes de Nessma TV sur les fréquences de sept radios régionales : Nejma TV, Dream FM, Karama FM, Chaâmbi FM, Ulysse FM, La Voix des mines et Oxygène FM. Cette décision a été justifiée par le fait que la chaîne TV ne peut diffuser ses contenus sur des fréquences radio. La Haica relève que le motif présenté par Nessma TV porte atteinte au concept du journalisme de proximité dans le mesure où la transmission continue de ses programmes sur les fréquences radio et pendant les heures de grande audience nuit à la pluralité médiatique et risque de compromettre l'indépendance éditoriale des radios concernées». Une décision qui a soulevé des controverses et des contestations dans la mesure où elle a été prise seulement par sept membres de la Haica, sachant que la composition incomplète de l'Instance pose problème. Celle-ci est censée en comprendre neuf. Un autre vice de forme : trois membres (soit le tiers) auraient dû être renouvelés après trois ans : «Nous avons adressé des correspondances à ce sujet aux parties concernées. Mais seule l'ARP a donné suite à notre demande», note M. Hichem Senouissi, membre de la Haica. La décision est-elle donc fondée ? «Aujourd'hui, au lieu de dénigrer systématiquement cette instance, il y a lieu de hisser le niveau du débat et d'engager une véritable concertation pour l'évaluation objective du paysage audiovisuel et son apport sur la scène nationale», relève encore M. Senoussi, notant au passage qu'il y a absence de volonté politique à cet égard. Commentant la décision de la Haica, M. Senoussi estime que les radios ont bénéficié de fréquences qu'elles n'utilisent pas pendant cinq heures d'affilée et recourent à celle de Nessma. En plus, où sont les conventions passées entre les radios et la chaîne TV ? Toujours est-il que ce jumelage nuit au «pluralisme et à la diversité des médias», selon M. Senoussi. Or, selon le «projet d'accord», Nessma TV peut utiliser des fréquences de certaines radios pour diffuser ses programmes pendant les moments de forte audience. En contrepartie, ces stations radio bénéficient d'une part de la recette publicitaire. C'est indéniablement là une source de financement pour ces radios en mal de recettes et de ressources. Les radios affiliées à la Chambre nationale syndicale des radios privées ont convenu, au cours d'une réunion tenue mercredi dernier, de se plier à la décision de la Haica. De son côté, le responsable de Karama FM a indiqué ne pas avoir reçu le texte de la décision de la Haica. Proximité, continuité et non-stop Mais cette décision de suspendre cette nouvelle expérience va-t-elle être appliquée? Pour ce qui est des animateurs de la chaîne TV privée, ils ont affirmé leur détermination à poursuivre l'expérience qui a trouvé un large écho et un grand appui. Toujours est-il que cette expérience est inédite, originale et rompt avec le schéma routinier des chaînes TV publiques et privées qui présentent des informations de façon routinière et à heures fixes, même lorsque des événements importants surviennent. Il n'y a jamais ou peu de journal exceptionnel. Or, avec Nessma TV, la formule du journal continu toutes les heures et surtout de l'information régionale en direct offre aux téléspectateurs un panorama complet de l'actualité aussi bien à travers le monde que dans toutes les régions du pays. Une formule qui a été beaucoup appréciée par les téléspecteurs- auditeurs dans la mesure où ils sont tenus au courant de toute l'actualité et de ses moindres détails, sans pour autant que Nessma TV ait mainmise sur les radios qui travaillent avec elle. Nous sommes, au contraire, loin du paysage audiovisuel stéréotypé, routinier et ronronnant. Pourquoi donc briser cet élan novateur d'une chaîne qui travaille en direct, en continu et sur la proximité et le quotidien du Tunisien ? Qui fait entendre la voix des régions, surtout celles marginalisées, mal ou pas entendues.