Le Théâtre municipal de la Ville de Tunis, qui a récemment ouvert ses portes, a accueilli une pièce chorégraphique : Dakhla, signée Abou Lagraâ de la Compagnie La Baraka, et ce, dans le cadre de la 16e édition de Tunis, capitale de la danse. Abou Lagraâ et son épouse Nawel, deux personnalités impressionnantes de la danse contemporaine, l'un est algérien et l'autre marocaine ont accepté de danser gratuitement pour le public tunisien. «Je suis très heureux de revenir en Tunisie. J'ai vu passer beaucoup de danseurs : il y en avait qui étaient âgés de 15 ans à l'époque à Ness El Fen auxquels j'ai donné des cours et aujourd'hui je les vois grandir. Ils ont 26-30 ans et sont devenus chorégraphes et danseurs en Europe. Certains sont reconnus aujourd'hui au niveau international. Il y a une émulation ici depuis que ce festival a été créé. Ce festival est un véritable tremplin pour les danseurs et chorégraphes tunisiens et pour le public qui a pu découvrir plusieurs chorégraphes de tous les styles de danse, toutes les textures, tous les langages chorégraphiques. C'est donc naturellement qu'on revient», a déclaré Abou Lagraâ. Une pièce explosive L'inspiration d'Abou Lagraâ n'a pas de limite et ouvre larges les portes. Avec sa nouvelle pièce chorégraphique, intitulée Dakhla («entrée»), il voyage entre Alger, Hambourg et New York, avec quatre danseurs (deux hip-hopeurs et deux danseurs contemporains) dans un monde hallucinant. Sur les thèmes du passage, du seuil, de l'autre et de sa différence, de la beauté de l'ailleurs, Dakhla navigue entre réel et mythologie urbaine sur des tubes de Prince, Supertramp et l'électro du DJ allemand Mike Denhert. «Avec Dakhla, je reviens à la danse contemporaine et au hip-hop. Il s'agit d'un voyage musical et de danse où on passe de New York à Alger, à Hambourg, une ville que je connais bien et où j'ai vécu longtemps», explique-t-il. Le spectacle est très énergique. Les quatre danseurs très virtuoses, très différents aussi dont un grand costaud qui est d'une grâce inouïe. Un mélange de hip-hop et de danse contemporaine. «Une danse sans frontières» selon les termes du chorégraphe. Un voyage d'énergie et de musique. Enfin, une pièce très légère qui donne de l'espoir. «Avec ce qui se passe dans le monde, j'avais envie d'apporter une danse qui met du baume au cœur et fait du bien et en même temps qui permet de voir évoluer des personnalités différentes sur un plateau, d'une grande simplicité et sans décor», ajoute Abou Lagraâ. Une création féministe En première partie de Dakhla, Nawel Lagraâ, qui s'affirme en tant que chorégraphe danseuse par rapport à son mari, a proposé un solo qu'elle a créé il y a deux ans. «C'est toujours un grand plaisir d'être à Tunis. Symboliquement, on était avec les Algériens en 2011 juste après la révolution et on a vu et senti évoluer le pays. Danser au Maghreb, c'est toujours essayer de séduire le public, le conquérir», évoque-t-elle. Elle a monté la pièce Do you be en 2015 à la maison de la danse de Lyon. Un projet qu'elle a créé uniquement pour des femmes. Do you be est composé d'un solo de Nawel Lagraâ et d'une pièce pour sept danseuses. C'est une œuvre dynamique où la gestuelle exprime sans relâche un flot de sentiments, parfois avec violence. Ce spectacle de danse veut prouver que l'art est accessible à tous. «A la base, j'ai pris 7 jeunes filles, dont une tunisienne, en difficulté sociale des quartiers de Lyon. Je les ai formées à la danse contemporaine, ensuite, j'ai créé pour elles une pièce : Do you be qui est un diptyque. Le solo que je présente parle des états du deuil. Il a été construit sur différentes étapes après la perte d'un proche parent. Il traite de la colère, du déni, de l'acceptation, différentes étapes pour ensuite pouvoir retrouver pied», explique-t-elle. 14 minutes de danse accompagnées de musique de piano. Un spectacle tout en mouvement et en élégance.