Au sein de l'Isie, beaucoup de dysfonctionnements : recrutements abusifs, détournements de fonds, dérives administratives et mauvaise gestion de l'argent de l'Etat «Il s'agit de défaillances plutôt qu'une forme de corruption avérée », précise cependant Mme Fadhila Gargouri de la Cour des comptes. La Cour des comptes a tenu hier matin à Tunis une conférence de presse au cours de laquelle a été présenté le rapport des résultats du contrôle sur la gestion financière de l'Isie, soit quarante heures après la démission surprise de son président Chafik Sarsar. Mauvaise gestion des dépenses, détournement de fonds, dérives administratives, recrutements abusifs, déséquilibres financiers et fiscaux, ce bilan de trop a été ainsi relevé au titre de 2014, l'année où avaient, alors, eu lieu les élections législatives et présidentielle. Ce qui est de nature à remettre en cause l'Isie et son conseil national. Mais, Mme Fadhila Gargouri, présidente de chambre au sein de la Cour des comptes, voit les choses autrement : «Il s'agit plutôt des défaillances qu'une forme de corruption avérée ». D'autant plus, affirme-t-elle, que la publication de ce rapport en ce moment précis n'a aucun rapport avec ce qui se passe actuellement à l'intérieur de l'Isie. Ce n'est qu'une simple coïncidence dont la date était déjà préétablie depuis avril dernier. Rentrant dans les détails des failles, l'oratrice a fait un exposé exhaustif, laissant l'auditoire pantois. Son résumé a tiré au clair certaines insuffisances pointées du doigt au niveau de la gestion financière et administrative de l'Instance reconnue pour être indépendante. Sa politique de gestion des ressources humaines fait aussi défaut. A l'échelle centrale et locale, les 60 mille agents dont disposait l'Isie, ainsi que ses instances régionales, en 2014, avec un coût global de 55,7 millions de dinars, soit plus de la moitié du budget alloué pour l'organisation des élections, ont posé un problème de gestion. Leur recrutement n'a pas obéi aux règles en vigueur, et encore moins aux principes de la transparence et de l'égalité des chances. Sans pour autant avoir l'aval de son conseil. Beaucoup d'emplois et de rémunérations étaient superflus, avec des avantages financiers estimés à plus de 27 mille dinars. Manque de transparence A l'étranger, les chefs des instances basées en France 1 et 2, en Allemagne et en Italie, sont tous jugés coupables pour avoir détourné des fonds, en guise de diverses indemnités versées au profit de leurs agents.. Le montant global semble dépasser les 560 mille dinars. Toujours selon le même rapport, le mode d'exécution des dépenses et leur optimisation sont qualifiés d'irrationnels, les factures estimatives étant contradictoires. Lors de la présidentielle 2014, à titre d'exemple, l'Isie n'a consommé que 39% de l'enveloppe additionnelle qui lui a été transférée, à hauteur de 1,5 milliard. Volet achats, les marchés d'acquisition des biens mobiliers et bureautiques n'ont pas été conclus dans les règles de l'art. Les conditions de saine concurrence et des appels d'offres n'étaient pas respectées (voitures de fonction au-delà des besoins..). En matière comptable et fiscale, un déficit de plus de 3 milliards a été enregistré. « 18 ordinateurs portables, 48 téléphones mobiles et deux imprimantes à la possession du Centre national d'informatique sont déclarés perdus. En outre, d'énormes quantités d'encre indélébile utilisée pour le vote ont été acquises sans le moindre contrôle de qualité. D'après la Cour des comptes, les élections législatives et présidentielle, y compris ses deux tours, ont coûté à la communauté nationale 84,196 millions de dinars, soit environ 2,5 MD de plus par rapport aux estimations de l'Isie. Cet écart budgétaire a été expliqué par des dépenses non comptabilisées. Recommandations Bien que l'Instance de M. Sarsar ait donné à cela moult explications justificatives dont notamment les contraintes du temps et le mode du travail intensif, la Cour des comptes n'y voit aucune raison. « Il n'y a pas de garanties pour la légitimité des dépenses », rétorque Mme Gargouri. Et de se rétracter, en conclusion, « l'Isie peut désormais mieux faire ». Interrogée par La Presse, Mme Kalthoum Badreddine, députée d'Ennahdha et présidente de la commission parlementaire du règlement intérieur, souligne qu'il y aura un contrôle politique sur la gestion financière de l'Isie. « Cette dernière et la Cour des comptes seront, bientôt, auditionnées par les membres de ladite commission parlementaire », assure-t-elle, sans vouloir considérer tous ces abus révélés comme une forme de corruption manifeste. Pour éviter pareilles insuffisances, le rapport a formulé une série de recommandations se rapportant essentiellement à la nécessité de mieux planifier les recrutements, rationaliser les dépenses de rémunération, savoir identifier les besoins en faisant jouer la concurrence dans les achats et mettre en place un système de sécurité de documents et d'information exhaustif. L'objectif est d'aider l'Isie à mieux se préparer aux municipales 2017.