On l'a dit et répété : la grille ramadanesque n'a pas vraiment enchanté. Elle a plutôt déçu l'espoir de voir les Tunisiens réconciliés avec leur petite lucarne. Qu'il s'agisse de feuilletons ou de sitcoms, les intrigues étaient plates et le jeu sans profondeur, avec toujours les mêmes histoires, les mêmes acteurs et le même humour. Ce faisant, la question qui se pose est la suivante: est-on à ce point en panne de talents et de créativité pour se rabattre sur les mêmes moules et les mêmes formules toutes faites ? Embarrassante stagnation artistique, à vrai dire, au moment où les moyens et les conditions n'ont jamais été autant propices à la création ? Mais comment peut-on faire avancer des projets alors que l'écriture scénaristique reste pour le moins boîteuse? Chaque année, c'est la même rengaine : dans les médias, on critique à chaque fois des programmes sans saveur et une grille qui ne fait que se répéter, mais la banalité persiste. Cette fois-ci, Tunisie7 a présenté deux feuilletons : Casting et Donia, et deux sitcoms: Dar El khla'â et Garage el Cric. Des œuvres qui, un peu à l'exception de la dernière, se sont montrées peu soucieuses des goûts du public. Encore une fois, du travail à la va-vite, avec des producteurs et des comédiens «has been», des «récidivistes» pour ainsi dire. Même si la chaîne s'est aventurée cette saison avec de jeunes producteurs, les idées ont manqué. Ce qui nous amène à évoquer la crise du texte. D'où la nécessité de voir et revoir le travail de base en matière d'initiation à l'exercice artistique. Côté garage Un brin d'espoir : il y en a malgré tout. Ce qui nous conduit assurément à évoquer Garage El Cric, sitcom écrite par Tahar Fezaâ d'après une idée de la jeune réalisatrice Rania Milka et mise en scène par le cinéaste Ridha El Bahi. Une série dont le succès repose sur des personnages que le public n'a pas tardé à trouver attachants, dès lors qu'ils créent un humour fin et léger. La sitcom est une histoire d'amitiés, de liens solides et légers qui se renforcent et se brisent à mesure que le temps passe. Garage El Cric est une série humoristique dont l'action se déroule presque exclusivement dans les mêmes décors (un garage luxueux employant des mécaniciens remarquablement propres). Les scénarios de Garage El Cric sont essentiellement fondés sur les déboires sentimentaux des personnages. Mais des thèmes plus graves — si l'on considère que l'amour n'est pas un thème grave — sont aussi traités, ce qui correspond bien à la fonction initiatique de la série, même si le ton reste humoristique. Wajiha Jendoubi (Mme Souad, la propriétaire du garage) était sympathique dans ses agitations de femme matérialiste et autoritaire. Hichem Rostom, le mari, s'est distingué par un nouveau rôle qui lui est allé à merveille, étant résigné face à sa femme pour incarner le rôle du mari-valet obéissant, d'où une fibre comique considérable. Interprétant le rôle de l'amoureux, Lotfi Abdelli (Sofiane dans la série) est attachant dans ses élucubrations de jeune à la recherche de lui-même. Samira Magroun (Lobna, la bien- aimée de Sofiane) est excellente dans son rôle de fille à la fois matérialiste et opportuniste vivant à l'occidentale. Salah Msadak (l'Allemand) a su alimenter la série en d'importants récits autobiographiques servant au dosage tragique de la série afin de mieux accentuer son aspect comique. Garage El Cric a, ainsi, réussi à mettre en scène des situations humoristiques et loufoques au sein d'un même groupe faisant la part belle aux intrigues sentimentales et aux personnages secondaires truculents. Plutôt qu'un traité comique d'un groupe social, Garage El Cric est une comédie de situations caractérisée par une unité de lieu (le garage) , un décor récurrent et une qualité d'image impeccable, faisant parfois songer moins à des épisodes de sitcom qu'à des séquences cinématographiques. Du reste, le renouveau ou encore le mérite de cette série demeure avant tout ce nouveau souffle comique dont elle s'est dotée en juxtaposant des intérêts, des préoccupations et des situations. Que l'innovation perdure.