Le chef du gouvernement pourra-t-il continuer à mener la guerre contre la corruption avec ne serait-ce que le soupçon de la présence d'un « loup dans la bergerie » ? A l'heure où Youssef Chahed continue tant bien que mal à donner des signaux positifs de lutte contre une corruption largement étendue, une campagne de scepticisme et de remise en cause l'accompagne. Bien évidemment, les premiers à attaquer le gouvernement sur cette question ne peuvent être que ceux qui ont des choses à se reprocher et qui tentent par tous les moyens de faire avorter cette politique, plutôt ce tsunami qui pourrait emporter ce qu'il pourrait y avoir de pire dans une démocratie et l'en débarrasser. Mardi, lors d'une séance plénière à l'Assemblée, la tension est montée d'un cran lorsque Mongi Rahoui, député du Front populaire, insinue au président du groupe parlementaire de Nida Tounès, Sofiène Toubel, qu'il sera prochainement derrière les barreaux. Au-delà du côté anecdotique, cette scène traduit une panique générale dans la classe politique, qui illustre bien le séisme qu'a provoqué Youssef Chahed en passant à l'acte dans la guerre contre la corruption. Mais il n'y a pas que les gesticulations des semeurs de doute qui tentent de miner la guerre contre la corruption. Au sein du gouvernement d'union nationale lui-même, l'objet de l'optimisme est également sujet aux questionnements. Depuis un moment, en effet, un conflit ouvert a éclaté à l'intérieur même du gouvernement entre le parti Afek Tounès représenté par deux ministres et Mehdi Ben Gharbia, ministre chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et des droits de l'Homme. Par médias interposés, les deux parties s'accusent mutuellement de corruption. C'est d'abord Afek Tounès qui jette un pavé dans la mare en balançant aux médias, de manière bien orchestrée, un dossier qui donne de croustillants détails sur une affaire qui oppose Mehdi Ben Gharbia à la compagnie aérienne nationale Tunisair depuis 2013. Une affaire dans laquelle se mêlent clientélisme, conflit d'intérêts et abus de pouvoir. Tunisair aurait même saisi la justice. Mais d'un autre côté, Afek Tounès ne peut se prévaloir d'un diplôme en moralité politique. Il y a quelques jours, le ministère public a annoncé l'ouverture d'une information judiciaire contre l'actuel ministre de l'Environnement, Riadh Moukher, et son ancien conseiller Mounir Ferchichi. En gros, l'affaire soulevée la première fois par Samia Abbou concerne un contrat de travail aux termes douteux avec ce conseiller accusé de fait de corruption. Bien évidemment, ce ne sont là que des accusations et le dernier mot reviendra à la justice. Toutefois, le chef du gouvernement peut-il continuer à travailler et à mener la guerre contre la corruption avec ne serait-ce que le soupçon de la présence d'un « loup dans la bergerie » ? Ne serait-il pas salutaire pour la démocratie et pour la guerre contre la corruption que ces deux ministres démissionnent de leur plein gré et se mettent à la disposition de la justice ? Jusqu'à présent, le chef du gouvernement ne s'est pas prononcé, mais il n'est pas non plus sorti de son silence pour défendre ses ministres. Signe peut-être d'une désolidarisation de Chahed de toute personne pouvant interférer dans son combat. Par ailleurs, si le ministre Ben Gharbia a tout nié en bloc, accusant des parties de tenter, à travers lui, de nuire au gouvernement et de bloquer la lutte contre les corrompus, le ministre Mouakhar s'est dit heureux de voir la démocratie s'exercer selon les règles, à savoir sur la base de la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire et qu'il attend d'être convoqué par le parquet pour s'expliquer.