La ville de Téboursouk était en liesse avant-hier soir, la fête battait son plein depuis l'après-midi, ce soir-là c'était l'ouverture de la 41e édition du festival international de Dougga avec le ténor tunisien Hassen Doss et son nouveau spectacle Tayer. L'affluence du public a commencé assez tôt, les gens sont venus de plus d'une ville, de Tunis, du Kef, de Béja, de Testour et de Sousse. Décidément, Hassen séduit là où il passe. Et pour ce lieu exceptionnel qu'est le théâtre antique de Dougga, classé depuis 1997 patrimoine mondial de l'Unesco, le spectacle s'annonce exceptionnel. 22h00 tapantes, le show commence, Hassen fait son entrée sur scène en grande pompe. Costume, maquillage à souhait, l'artiste est comme dans ses clips, un personnage venu d'ailleurs, le regard en feu. Habillé d'une large tunique noire, il ouvre la soirée avec son tube «Chatha». Le public le suit et connaît la chanson par cœur. Il enchaîne avec «Bidou khal», une berceuse qui connaît un franc succès depuis sa sortie, ensuite il rend hommage à deux monuments du chant lyrique, Pavarotti, son idole, et Caruso, à travers le célèbre titre éponyme «Caruso». Durant tout le show, Hassen Doss n'a chanté aucune reprise : Tayer est un spectacle inédit avec 12 titres originaux, dont «Tayer», «Tabbabi», «Howa», «weldi», «Ichka», «Kattoust Errmed» et d'autres encore. L'artiste, joueur, excentrique, original et atypique a offert à Dougga un spectacle complet et a fait appel à plus d'une compétence pour assurer un côté visuel impressionnant, d'abord côté costumes, le styliste Salah Barka a donné libre cours à une imagination créative pour confectionner les costumes de scène, plus fascinants les uns que les autres, clinquants, brillants et imposants. Ghazi Zoghbani, côté mise en scène a suivi les folies et délires de Doss pour rendre au public une image fantasmagorique et extravagante que l'artiste affectionne et qui a fait aussi son originalité et son identité. Les personnages sortant des films d'horreur, mi-humains, mi-démons font leur passage sur la scène sans trop s'attarder, ce sont des personnages d'appoint, qui viennent compléter l'ensemble qui constitue l'univers de l'artiste. Dans ce monde d'enfants, pas du tout sage, dans lequel vit Doss, le monde du cirque prend aussi une place. Des circassiens et jongleurs glissent dans l'ensemble avec des numéros vertigineux, du feu, des flammes et des contorsions tous sortis de la tête de cet homme-enfant qui ne dresse aucune barrière entre ses fantasmes et la scène. Côté musique et chant, bien sûr, Hassen Doss assure, la voix est forte et limpide, la performance y est, et l'interprétation impressionne. Elémentaire venant d'un ténor. Mais pas seulement. Car Hassen Doss a réussi à faire ce dont il a envie de faire. Il n'est pas du tout dans le classicisme d'un chant lyrique immuable, il est dans le rock, dans le metal, dans les racines, les origines et dans le rêve et les cauchemars, les délires et les dépassements. Que dire de ses musiciens plus performants les uns que les autres, jeunes, fougueux, petits diables de la scène, on ne peut que les citer tous car chacun apporte une âme et une énergie à l‘ensemble et le résultat est tout bonnement magnifique. Hédi Bahri à la guitare, Marwen Soltana à la basse, Youssef Soltana à la batterie, Selim Arjoun au clavier et Nader Kassis aux flûtes. C'est génial chez Hassen Doss qui a su rapprocher le chant lyrique du public tunisien, le sortir de son cercle restreint, faire de cette passion un projet qui s'installe dans la durée et donner libre cours à une musique affranchie, libre. Car Hassen Doss est un artiste libre, il le veut, l'assume et ça nous plaît.