Le nombre des affaires en cours s'élève à 830 (publiées auprès du tribunal administratif et des tribunaux, de droit commun), alors que la Commission a confisqué 9 comptes courants bancaires, 11 fonds de commerce, 158 voitures, 24 chevaux, 14 yachts, 688 sociétés, 43 armes à feu, 559 biens immobiliers (enregistrés et non enregistrés), et environ 58 millions de dinars Absence de moyens, lenteur des procédures et démarches, manque de coordination avec les parties prenantes et même parfois manque de volonté politique, ce sont là les maux qui mènent la vie dure à la Commission nationale de confiscation. Piètres résultats après un démarrage en fanfare qui a fait naître l'espoir chez les uns et la colère chez les autres. Pire, au lieu de renflouer les caisses de l'Etat et apporter un impact positif sur l'économie, c'est l'Etat qui s'est chargé des dépenses visant à entretenir et conserver ces biens. Les sociétés qui ont été confisquées contribuaient entre 15 et 20% à la croissance du PNB, alors qu'aujourd'hui l'Etat est obligé de dépenser des centaines de milliards pour éviter la banqueroute à ces sociétés. La situation est absurde, a souligné Chawki Tabib, président de l'Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc) lors d'un colloque organisé conjointement hier à Tunis par cette instance et la Commission nationale de la confiscation sous le thème « la confiscation comme instrument de lutte contre la corruption », et ce, en présence des autorités concernées par la confiscation et des représentants de la société civile. Des députés d'Ennahdha ainsi que Ali Laârayedh, ex-chef du gouvernent, étaient présents lors de ce colloque. Bilan Pour rappel, le décret-loi publié au Jort en mars 2011 porte sur l'expropriation au profit de l'Etat de l'ensemble des fonds et des biens mobiliers et immobiliers acquis, après le 7 novembre 1987, par l'ex-président Ben Ali, son épouse Leïla et les personnes citées dans la liste annexée à ce décret-loi, ainsi que toutes les personnes ayant obtenu des fonds, des biens ou des droits résultant de leurs relations avec ces personnes. En tout, ils sont 114 personnes à figurer sur cette liste. Selon la rapporteuse de la Commission nationale de confiscation, Hédia Hedfi, le nombre des affaires en cours s'élève à 830 ( publiées auprès du Tribunal administratif et des tribunaux de droit commun) alors que la Commission a confisqué 9 comptes courants bancaires, 11 fonds de commerce, 158 voitures, 24 chevaux, 14 yachts, 688 sociétés, 43 armes à feu, 559 biens immobiliers (enregistrés et non enregistrés), et environ 58 millions de dinars d'argent en liquide (57.957.882,879) . Ces bilans restent toutefois provisoires, a noté Hédifa Hedfi. Détérioration de la situation des biens confisqués Plusieurs intervenants se sont penchés sur la question de la confiscation comme instrument de lutte anticorruption, dont Chawki Tabib qui a posé une question pertinente se rapportant à l'efficience de la Commission nationale de confiscation dans la lutte contre la corruption. Il a, dans ce contexte, appelé à plus de coordination entre les parties concernées par la confiscation et l'introduction de nouvelles conceptions des procédures judiciaires ainsi que l'élaboration d'une vision commune pour dépasser les problèmes qui endiguent le travail de ladite commission. Le président de la Cour des comptes, Nejib Ktari, a mis en exergue les difficultés qui entravent la bonne gestion des biens mal acquis. On n'a pu vendre que deux immobiliers d'un total de 559, a-t-il fait remarquer, ajoutant que 19 de ces biens immobiliers se trouvent dans une situation de délabrement. La valeur des voitures confisquées est revue à la baisse en raison du mauvais entretien, et c'est l'Etat en 2015 qui a assuré la réparation de ces biens confisqués. Nejib Ktari a évoqué aussi la détérioration de la situation des sociétés confisquées qui sont au nombre de 688. Ce fut la banqueroute assurée pour bon nombre de ces sociétés, n'eut-été l'intervention de l'Etat, a-t-il fait savoir. En contrepartie, le nombre de ces sociétés qui ont réalisé des bénéfices est infime. La solution résiderait plutôt dans la mise en place d'un mécanisme de suivi pour les biens confisqués. « J'ai bien peur que l'Etat ne se mette à dépenser de l'argent pour ces biens confisqués », a-t-il conclu, rejoignant ainsi la position de Chawki Tabib. Une réforme impérative La lutte contre la corruption ne doit pas être occasionnelle, a souligné de son côté Mounir Ferchichi, président de la Commission de confiscation, tout en proposant de copier les expériences suivies dans d'autres pays. Quant au membre de l'Instance vérité et dignité, Khaled Krichi, il a, à son tour, évoqué le peu de temps (7 mois) restant à cette instance dont le rôle est d'assurer une justice transitionnelle dans un pays qui passe, lui aussi, par une période transitionnelle. Cette justice ne peut s'accomplir par le biais d'une justice traditionnelle, évoquant dans ce contexte l'exemple de Imed Trabelsi qui a eu recours à l'IVD pour avouer ses dépassements et demander pardon au peuple tunisien. Khaled Krichi a conclu que le pays passe par une période de transition qui nécessite des lois exceptionnelles conformes à la constitution. Il faut qu'il y ait une volonté politique bien réelle pour concrétiser la justice transitionnelle, a-t-il souligné. Ils étaient unanimes à pointer du doigt le manque flagrant des moyens mis à la disposition de la commission de la confiscation, le manque de coordination dans les actions de lutte, la lenteur des procédures. Un colloque riche en débats qui a mis en relief la nécessité de renforcer les instruments de lutte, l'introduction de nouvelles approches, tout en respectant les standards internationaux en la matière pour que la confiscation soit rentable pour l'Etat et non l'inverse .