La commission des finances a adopté hier la loi de finances complémentaire présentée par le gouvernement. Seuls les deux élus de l'opposition, Mongi Rahoui et Samia Abbou, respectivement président et deuxième rapporteur adjoint, ont voté contre le projet. La loi de finances complémentaire vient en ajustement de la loi de finances 2017, laquelle a prévu des hypothèses qui se sont avérées relativement loin de la réalité. Elle vise notamment à financer le déficit budgétaire et à faire face aux dépenses supplémentaires de l'Etat. Les dépenses supplémentaires sont principalement le remboursement d'un prêt qatari de 1.148 millions de dinars en avril 2017 et la hausse de la masse salariale de 600 millions de dinars, sans compter l'écart entre les hypothèses de croissance, de prix du baril et du taux change. Ce sont ces écarts qui, aujourd'hui, dérangent les députés de la majorité et de l'opposition. Moncef Sellami (Nida Tounès) a ainsi estimé que les fluctuations du dinar ainsi que la hausse du prix du baril étaient prévisibles. «Tout le monde savait que le dinar allait encore chuter», a-t-il dit, tout en appelant à voter une loi de finances 2018 plus «crédible». Pour sa part, la députée de l'opposition Samia Abbou s'est étonnée de constater que le gouvernement s'est même trompé en 2016 dans l'évaluation de la masse salariale. Pour elle, c'est «motif de démission». La question du remboursement du don qatari a également fait l'objet de vives critiques de la part de la députée de Machrou Tounès, Leila Chettaoui, qui s'est à son tour étonnée de voir que le gouvernement n'ait pas prévu cela dès le départ. Certains élus vont même jusqu'à soupçonner le gouvernement de l'époque d'avoir en quelques sorte tenté de maquiller les comptes, pour «plaire» aux institutions financières internationales. «La présentation d'une telle loi de finances complémentaire, en cette période précise, dénote une tentative du gouvernement de camoufler la déception de la loi de finances 2017», a lancé Samia Abbou. La loi de finances complémentaire comporte en fait trois articles. Les membres de la commission ont voté les articles tels quels, à l'exception du troisième article qui a fait l'objet d'un amendement. Comportant un avantage fiscal en faveur des fonctionnaires, celui-ci prévoyait une déduction fiscale allant jusqu'en 2018, mais les députés ont estimé à l'unanimité que les dispositions concernant 2018 devaient entrer dans le cadre de la loi de finances 2018, qui sera débattu dans les prochains jours. Les membres de la commission, majorité comme opposition, ont déploré les réponses — qu'ils ont jugé «approximatives» — du ministre des Finances, Ridha Chalghoum, auditionné mardi par la commission. Par ailleurs, une bonne partie de la discussion au sein de la commission a été consacrée à un débat sur la santé financière de l'Etat. Alors que l'opposition met en garde contre une «faillite imminente» de la Tunisie, Hédi Brahem (Ennahdha) a dénoncé ce qu'il appelle «la culture de l'échec» que martèle l'opposition. «J'entends ces propos depuis 2011, et rien de ce que vous avez prédit n'est arrivé, a-t-il dit. Nous ne sommes pas dans une situation d'effondrement». Un optimisme qui ne sied pas à Mongi Rahoui, pour qui les chiffres sont «têtus». «Avec un déficit budgétaire de 6,1%, un endettement record et une inflation qui pourrait dans les prochaines années devenir à deux chiffres, comment pouvez-vous affirmer que la situation économique est formidable ?», lance-t-il à l'adresse de Hedi Brahem.