Par Mohamed ABDELLAOUI Le projet de loi de finances 2018 vient confirmer une politique de colmatage qui fâche. Alors que la gestion des affaires de la cité a besoin d'un véritable coup de fouet. Les 67 articles proposés pour fixer les priorités d'un budget total de 35,85 milliards de dinars font savoir que plus de 21 milliards de dinars iront aux dépenses de gestion, tandis que le budget alloué au développement et à l'investissement est estimé à 5,12 milliards de dinars. Ces orientations pourraient être justifiées eu égard à la phase transitoire que vit le pays depuis 2011. D'aucuns penseraient le contraire d'ailleurs, vu les orages et les éclairs alternant, depuis, sous nos cieux. Mais n'a-t-on pas dit un jour que « les grandes réalisations sont toujours précédées de grandes idées », autrement de grands sacrifices ? Une chose est sûre aujourd'hui : le pays va mal, l'économie étant en quenouilles et la classe politique s'est discréditée par son insoutenable légèreté. Un cri d'orfraie ? Aucunement. Et tous les indicateurs en attestent : un taux de chômage de plus de 15%, un taux d'inflation de près de 6%, un taux de pauvreté de 15% et un faible taux d'inscription aux élections municipales (167 mille électeurs enregistrés entre juin et juillet 2017, selon l'Instance électorale). Tous les palliatifs et les luttes défensives se sont, donc, avérés incapables de soigner des morbidités pourtant curables. Que faire alors ? Les choix n'étant pas nombreux, il convient de choisir entre réveil et déclin. Le réveil implique, quant à lui, d'agir en profondeur pour ainsi repenser la trajectoire à emprunter par les successeurs des Carthaginois que nous sommes. Il y a péril en la demeure, aujourd'hui, et c'est un euphémisme. Car la gestion calamiteuse du pays n'a d'égale que la marche à reculons d'une nation, hier pauvre mais respectueuse de ses fondamentaux : le travail et la persévérance pour réaliser l'ascension économique et sociale souhaitée. Il y a quelques décennies, qui dit Tunisie dit éducation et santé. Ce n'est, hélas, plus le cas par les temps qui courent, où léthargie rime avec improvisation et navigation à vue, en l'absence de programmes, de stratégies et de stratèges capables de planifier les actions qu'il faut à court, moyen et long termes. La Tunisie nouvelle doit miser sur son capital humain Les vraies élites de la nation devraient, in extremis, sortir de leur silence. Le pays n'a jamais eu autant besoin de leur force de proposition pour ainsi parer à la médiocrité galopante et préoccupante. Pour émerger du champ de ruines, la « Tunisie nouvelle » n'a qu'à miser sur son capital humain, le plus précieux de toutes les richesses. L'égalité d'accès à une école de qualité pour former des hommes capables d'appréhender le monde qui les entoure, devrait susciter l'intérêt de toute la nation : gouvernants comme gouvernés. Et surtout les législateurs de la nation. Le budget de l'Etat 2018 devrait y consacrer une enveloppe allant de pair avec les besoins, quitte à reporter certaines échéances relevant des dettes extérieures du pays. Nos partenaires — les vrais, ceux qui soutiennent le réveil arabe —, ne sauraient y renoncer. Ils réaliseraient, après ce penseur du siècle des lumières, que « l'on cultive l'homme par l'éducation comme on cultive les plantes par la culture ». Autrement, « toute vie dirigée vers l'argent est une mort », dit-on. S'inspirer du modèle cubain Les expériences ayant privilégié l'investissement en l'homme ont changé le cours de l'histoire pour bien des nations. En témoigne le modèle cubain. Ce pays d'Amérique latine a, depuis le triomphe de la Révolution en 1959, fait du développement de la médecine sa grande priorité. Il y a plus de cinq décennies, Cuba ne comptait que 6286 médecins et une seule faculté de médecine. Aujourd'hui, elle est à 109 mille médecins, 161 hôpitaux et 452 polycliniques, selon la Banque mondiale. Elle est, aussi, la nation la mieux pourvue dans ce secteur, à l'échelle mondiale. De par le bien-être garanti pour une nation dont les contrées sont peu nanties, les médecins cubains sont aujourd'hui les meilleurs porte-étendards de leur pays. Ils sillonnent le monde au secours des nations qui traînent et contribuent ainsi à de respectables entrées en devises pour leur patrie. Morale de l'histoire : bien que les ressources soient limitées, il demeure possible de réaliser le développement social et humain escompté, à condition de placer l'homme au centre de tout projet de société.