Les résultats d'une étude récente ont montré que le travail domestique relève encore largement du travail informel. C'est un travail qui est encore précaire, pénible et extrêmement dévalorisé et où les violences multiformes, notamment sexuelles, sont légion. L'Association des femmes tunisiennes pour la recherche et le développement (Afturd), en coordination avec la Coalition nationale associative contre la violence faite aux femmes, vient d'organiser une conférence de presse inaugurant une campagne de sensibilisation sur le phénomène de l'emploi des mineures et de l'exploitation des migrantes africaines dans le travail domestique «Les résultats des 3 études réalisées par l'Afturd sur ce thème en 2009 puis 2011 et cette année ont démontré qu'une grande part du travail domestique fait encore partie du secteur informel et qu'il s'agit d'un travail pénible, précaire, qui ne répond pas aux critères du travail décent. Une forme qui influe négativement sur la reconnaissance sociale du métier, car c'en est un, mais aussi sur le respect des droits humains, le développement professionnel et l'estime de soi», atteste Salwa Kennou-Sebei, président de l'Afturd. «Je regrette que la Tunisie post-révolutionnaire n'ait pas ratifié, à ce jour, la Convention 189 de l'OIT sur les travailleuses et les travailleurs domestiques, alors qu'elle a mis de la bonne volonté à améliorer le cadre législatif des travailleuses avec la loi interdisant la traite des humains, la loi sur l'élimination de toutes les formes de violences faites aux femmes», ajoute-t-elle. Pourquoi «travailleuses domestiques» ? Une «mise à jour» qui veut tout dire a été d'emblée mise en avant par la conférence : nous ne devrions plus dire «aides-ménagères» mais désormais «travailleuses domestiques». Ce n'est pas du tout fortuit car l'un des buts majeurs de cette campagne est d'assurer un travail décent à cette population particulière pour les extirper du monde informel. Concrètement, il s'agit d'une mobilisation pour la ratification de la Convention 189 de l'Organisation internationale du travail (OIT) concernant le travail décent pour les travailleurs et travailleuses domestiques. D'où le sens donné à cette conférence qui annonce le déploiement de l'Afturd sur plusieurs axes : - un plaidoyer auprès des décideurs et des représentants politiques, particulièrement les législateurs. - un plaidoyer auprès de l'Ugtt alors que la Centrale syndicale s'est déjà annoncée partie prenante dans la régularisation de cette situation de précarité généralisée. - la sensibilisation du grand public en usant d'un personnage de caractère du nom de «Kenza» pour faire passer les messages. - La mobilisation de la société civile, notamment pour faire connaître et respecter l'article 20 de la loi relative à l'élimination de la violence à l'égard des femmes et qui interdit et criminalise l'emploi des mineurs dans le secteur des ménages. Et l'implication de plusieurs structures administratives car l'Afturd estime qu'il s'agit là d'un pré-requis au respect des droits des travailleuses domestiques. Violences, y compris sexuelles... Selon Zohra Bouguerra, membre de l'Afturd et consultante, qui a réalisé l'étude avec la collaboration d'Ismahène Ben Taleb et Salwa Kennou-Sebei, les résultats montrent que le travail domestique relève encore largement du travail informel et présente un travail précaire, pénible et extrêmement dévalorisé où les violences multiformes, notamment sexuelles, sont légion. Nous sommes devant une barrière qui est ainsi érigée devant toute revendication au droit à un travail décent. «Le travail domestique demeure un secteur marginalisé et peu réglementé, les femmes pâtissent des violations de leurs droits, en particulier les plus vulnérables : les jeunes filles issues des milieux modestes et des régions rurales ainsi que les migrantes subsahariennes. Dans beaucoup de cas, nous identifions toutes sortes de domination et il devient évident que la condition des travailleuses domestiques représente un enjeu majeur à la croisée des droits des femmes et de la dignité du travail. Et cette étude constitue un outil préalable pour mener un plaidoyer raisonné et pour lancer des actions de sensibilisation et de mobilisation sur tous les fronts», commente-t-elle. En Tunisie, l'étude a montré que les travailleuses domestiques représentent la seconde concentration d'emploi féminin avec 77% alors que les transformations profondes qu'a connues la société tunisienne au cours de ces dernières décennies ont mené au renforcement de la participation de la femme à la vie active. Seulement, ce changement dans la logique de la famille tunisienne n'a pas été suivi par le développement des services ciblant le créneau qui a la vocation de faciliter la vie aux femmes et cela a évidemment fait exploser la demande sur les travailleuses domestiques. C'est cette explosion qui a mené au «recrutement» de mineures et de jeunes subsahariennes immigrées et créé des conditions critiques en l'absence de législation et d'effort national à ce que les choses se fassent dans les règles.