Par Amor NEKHILI Racisme, maltraitance, interdiction d'aimer et exclusion : le lot de tous les jours des domestiques éthiopiennes, srilankaises, philippines et autres Selon les estimations, un travailleur domestique se suicide au Liban chaque semaine en moyenne Rappelons que Le Liban a ratifié la Charte arabe des droits de l'Homme de 2008, qui interdit l'esclavage sous toutes ses formes, y compris la traite des êtres humains et le travail forcé Depuis 1973, plus de 250.000 femmes ont migré des pays pauvres pour venir travailler derrière les portes closes des maisons de leurs employeurs libanais. Certaines ont réalisé leur rêve; d'autres vivent sous la contrainte, financière et psychologique. Elles ne disposent d'aucune protection juridique. Comme dans de nombreux autres pays, ces femmes ne sont pas protégées par la législation locale en vigueur. Elles font souvent l'objet de mauvais traitements comme le non-paiement de leur salaire et, dans certains cas, d'abus psychiques, physiques ou sexuels. Les journaux libanais attirent souvent l'attention du public sur le sort des domestiques abusées par leurs employeurs. Les médias peuvent jouer un rôle important dans la sensibilisation au droit des travailleurs à des conditions de travail décentes. En plus d'un manque de protection du travail, souligne Human Rights Watch dans un rapport, les travailleurs et travailleuses domestiques sont soumis à des règles restrictives sur le plan de l'immigration basées sur le système libanais de kafala (parrainage), qui les expose au risque d'exploitation et leur rend difficile de quitter des employeurs qui les maltraitent. Le taux élevé de mauvais traitements et l'insuffisance de la réponse du gouvernement ont conduit plusieurs pays, dont l'Ethiopie, à interdire à leurs citoyens de travailler au Liban. Les plaintes les plus fréquentes documentées par les ambassades des pays fournisseurs de main-d'œuvre et par les organisations non gouvernementales comprennent les mauvais traitements par les agents recruteurs, le non-paiement ou le paiement en retard du salaire, la séquestration sur le lieu de travail, le refus d'accorder du temps libre à la personne employée, le travail forcé et les violences verbales et physiques. Le gouvernement libanais a émis de nouveaux règlements (contrat unifié) en 2009, obligeant les employeurs à respecter un ensemble de règles, notamment le paiement intégral des salaires aux travailleurs à la fin de chaque mois, l'octroi d'un repos hebdomadaire et l'établissement d'un nombre maximal d'heures de travail. Le gouvernement n'est, toutefois, pas parvenu à imposer des sanctions appropriées contre les employeurs qui maltraitent les travailleurs domestiques migrants et, dans la pratique, de nombreux employeurs continuent d'exploiter, de sous-payer et de maltraiter les travailleurs domestiques. Durant des années, les employées de maison migrantes sont restées sans voix. Femmes et hommes font aujourd'hui l'effort de s'organiser, de revendiquer, sans peur mais avec fierté, afin de pousser les autorités libanaises à entreprendre les réformes nécessaires, à les inclure dans le code du travail, à mettre en place un système d'inspection et de protection de la part du ministère du Travail, à changer le système de « kafala » (le garant). Pour Nadim Houry, représentant de Human Rights Watch au Liban, cette revendication n'est pas juste étrangère, mais aussi libanaise. Ce sont d'ailleurs des travailleurs domestiques libanais qui ont soumis la requête au ministère du Travail pour former ce syndicat. La démarche essentielle de cette revendication consiste à demander que le travail domestique, toutes professions confondues, toutes nationalités confondues, soit considéré comme un vrai travail. Enfin, dans une étude sur les formes contemporaines d'esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, sur sa mission au Liban, une experte de l'ONU, Gulnara Shahinian, recommande au Liban d'adopter une loi qui traite des spécificités des travailleuses domestiques migrantes. Elle est convaincue que l'élaboration d'une loi spécifique, sa mise en œuvre et la surveillance de son application sont un moyen de garantir les droits des travailleuses domestiques migrantes. Cette loi devrait être conforme aux normes internationales existantes relatives aux droits de l'Homme. Des voix se sont élevées partout dans le pays, et demandent au gouvernement libanais d'agir dans l'immédiat pour mettre un terme au traitement infligé aux travailleurs domestiques migrants et de protéger leurs droits. Pour le moment, malgré les efforts des uns et des autres, la situation demeure inchangée. Le Liban ne peut plus continuer à ignorer indéfiniment la présence des domestiques étrangères sur son sol.