Par Abdelhamid GMATI Il faut croire que la Révolution a amené certaines libertés mais aussi des comportements et des paroles pour le moins extravagantes, surprenantes, choquantes, déraisonnables. Passe encore lorsque cela vient du citoyen lambda, mais cela prend une signification plus sérieuse et risque d'avoir des conséquences déplorables lorsque cela vient des élus. Lundi dernier, l'ARP tenait une séance plénière avec audition de quatre ministres. A 9h, un ministre était présent avec ses collaborateurs mais la séance n'avait pas encore commencé. Et pour cause : sur un total de 217 députés, seuls 13 étaient présents, les autres étant ...à la buvette. Commentaire du député Souheil Alouini (Al Horra): «On s'est mis d'accord hier pour démarrer la séance à 9 heures. C'était un engagement de notre part, nous avons quatre ministres à auditionner aujourd'hui. Les députés sont à la buvette ! Le ministre est là, son staff est là, alors démarrons et tant pis pour les absents! ». Une extravagance qui dénote un manque de responsabilité et un manque de respect pour le ministre. Jeudi dernier, les députés de l'ARP ont voté, en soirée, l'article 36 du PLF 2018. Cet article va permettre d'imposer des produits turcs à hauteur de 90% sur deux ans et ceci à partir du 1er janvier 2018, à l'exception d'une liste bien définie. Ces tarifications douanières exceptionnelles seront levées graduellement sur les trois années qui suivent. Cette décision intervient suite à l'aggravation du déficit entre les deux pays, atteignant 1.482 millions de dinars en 2016, soit 10% du déficit commercial de notre pays. Mais les députés d'Ennahdha, mécontents de cette décision, ont quitté la salle avant le vote. Il faut rappeler que c'est sous le gouvernement de la Troïka qu'un accord de libre-échange a été conclu, en octobre 2013, entre la Tunisie et la Turquie en matière agricole et agro-industrielle. Accord qui a « mis à genoux l'industrie et l'agriculture tunisiennes ». Comment comprendre le comportement extravagant des députés nahdhaouis ? Un député estime que les nahdhaouis défendent les intérêts turcs plutôt que les intérêts tunisiens. Le député de Nida Tounès, Abdelaziz Kotti, a déclaré avoir établi la liste des «monstres» au sein de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour dénoncer un grand nombre de députés qui n'ont aucun niveau d'études et qui ont usurpé des identités pour voyager en représentants de la Tunisie. Les députés ont été élus en connaissance de cause. Venir aujourd'hui parler de niveau d'études est pour le moins extravagant et incompréhensible. Les professeurs de l'enseignement supérieur avaient décrété une grève, jeudi dernier, sur l'ensemble du territoire au lendemain d'une grève générale de leurs collègues du secondaire. Ils voulaient protester contre l'absence de dialogue entre le corps professoral et le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Pourtant, ils venaient de boycotter les assises de la réforme du système de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Slim Khalbous, a appelé à «ne pas prêter attention à ceux qui ont choisi la politique de la chaise vide». Pour lui, ces assises, réunissant plus de 1.200 participants, permettront de fixer les priorités de la réforme de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique en Tunisie dans le cadre de 26 ateliers de travail. Cette réforme, a-t-il dit, qui a démarré depuis une année déjà, repose sur une approche participative, estimant que la non participation d'un syndicat sur un ensemble de cinq autres ayant pris part aux travaux des commissions de réforme, «ne paralysera pas le bon déroulement de ces assises». Lundi dernier, Noureddine Taboubi a revendiqué le statut de la Centrale syndicale en tant « qu'acteur majeur de la scène politique », au nom des services rendus au Mouvement national, à l'édification du jeune Etat et son combat pour la démocratie et contre l'oppression avant et après la révolution. A ce propos, il a critiqué «ceux qui veulent confiner la centrale syndicale dans un rôle purement social». Evoquant la relation de la Centrale syndicale avec le pouvoir, Noureddine Taboubi a fait savoir que l'Ugtt n'a pas « d'ambitions politiques et ne veut pas accéder au pouvoir». Comment comprendre que l'on veuille être «un acteur majeur de la scène politique» sans avoir «d'ambitions politiques» ? Une autre extravagance.