Le bras de fer entre le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Chiheb Bouden, et la Chambre syndicale des universités privées, rattachée à l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA), s'intensifie. Selon des sources proches de la Fédération générale de l'Enseignement supérieure et de la Recherche scientifique (FGESRS, syndicat relevant de l'UGTT), la motion de censure contre M. Bouden présentée par une trentaine de députés de Nidaâ Tounes s'expliquerait par l'attachement du ministre à réformer le secteur de l'enseignement supérieur privé. En attendant l'éventuel examen de cette motion de censure lors d'une séance plénière à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), la Commission de la Jeunesse de la Culture, de l'Education et de la Recherche scientifique a décidé d'inviter le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique à une séance d'audition. Ajmi Lourimi, membre de cette commission a indiqué que le ministre sera auditionné concernant le document d'orientation pour la réforme du système universitaire soumis par le ministère de l'Education à l'ARP. Il a rappelé, à ce sujet, que des membres de la Commission avaient évoqué lors d'une réunion tenue le 2 octobre, des problèmes liés à l'enseignement privé et aux enseignants contractuels. Selon Lourimi, la Commission avait auditionné des investisseurs du secteur de l'enseignement supérieur privé ainsi que des représentants de la société civile, lesquels avaient présenté des propositions pour la réforme du système universitaire. Autant dire que M. Bouden serait désormais plus que jamais sur un siège éjectable malgré le soutien qui lui a été apporté par la (FGESRS), laquelle a dénoncé une «marchandisation de l'enseignement» et insisté sur «le rôle de locomotive des universités publiques». La grogne des promoteurs des universités privées avait atteint son apogée début septembre dernier lors de la publication par le ministère de l'Enseignement supérieur d' un communiqué dans lequel il appelle «les étudiants désirant s'inscrire dans les universités privées à s'assurer de l'homologation de ces établissements». Dans son communiqué, le ministère rappelle aussi que les étudiants en ingéniorat sont tenus de subir un concours sous la supervision du ministère avant de s'inscrire dans les universités privées. Dans le cas contraire, les diplômes délivrés par les universités privées ne seront pas homologués et n'auront aucune importance. Appuyée par l'UTICA, la Chambre syndicale des universités privées avait alors dénoncé «une démarche claire de destruction du secteur de l'enseignement supérieur privé qui compte 63 institutions universitaires, avec le risque de mise en chômage de 500 enseignants, de milliers d'employés et le renvoi de 30 mille étudiants actuellement inscrits». Les responsables des universités privées ont aussi rappelé qu'une solution qui a été approuvé par le gouvernement et les professionnels du secteur a été adoptée lors d'un Conseil des ministres tenu le 27 août dernier. Cette solution consiste à créer une agence indépendante d'évaluation et de suivi du rendement des universités privées, à réviser le cahier des charges relatif au secteur avec la participation des représentants des universités privées. Deux autres décisions ont été prises à cette occasion : l'instauration de contrats-programmes qui déterminent les engagements de toutes les parties (les universités privées devraient soumettre leurs programmes avant fin 2015) et l'engagement des institutions privées à accepter un nombre d'étudiants conforme à leur capacité d'encadrement lors de l'année universitaire 2015-2016. Du côté du ministère de l'Enseignement supérieur, on rappelle que M. Bouden s'est appuyé sur des statistiques et des études selon lesquelles «le nombre des enseignants permanents dans les universités privées s'élève à 440», soit 15% de l'ensemble des enseignants. Le nombre des enseignants vacataires est de l'ordre de 2.598, dont la majorité exerce dans l'enseignement supérieur public. Selon ces mêmes statistiques, 85% de ces enseignants ne disposent que de diplômes de masters ou de maîtrises, ce qui donne lieu à un faible encadrement pédagogique. Ces données ont été démenties par la Chambre syndicale des universités privées, qui estime que plusieurs établissements privés soient de véritables modèles à suivre en matière d'encadrement pédagogique et de qualité des formations universitaires.