« Ecouter un journaliste et le convoquer à la police est une opération totalement illégale, et tout ce qui découle de ces écoutes ne doit pas être recevable devant un juge » Le président de la l'Instance nationale de protection des données personnelles, Chaouki Gaddes, a plaidé hier, lors d'une conférence de presse, pour que l'instance devienne une juridiction de premier degré. Cette prérogative supplémentaire demandée par Gaddes vient à la suite d'un constat alarmant : l'ensemble des dossiers sur lesquels a enquêté l'instance sont bloqués au niveau des procureurs de la République. Dénonçant un budget médiocre de 34.000 dinars (hors salaires), le président de l'Inpdp, a estimé que les budgets des instances devraient être discutés séparément des autres rubriques du budget de l'Etat. « Je crois que nos budgets devraient être discutés directement par les élus à l'Assemblée et non pas sur proposition du ministère des Finances », a-t-il déclaré. « Dans ces conditions, je ne crois pas qu'on puisse tenir longtemps », a ajouté Chaouki Gaddes. Réagissant aux dernières déclarations du ministre de l'Intérieur concernant des opérations d'écoutes qui auraient touché certains journalistes, Gaddes a appelé à la mise en place d'une loi spécifique régissant les écoutes téléphoniques. « Ecouter un journaliste et le convoquer à la police est une opération totalement illégale, et tout ce qui découle de ces écoutes ne doit pas être recevable devant un juge », a expliqué Gaddes. D'un autre côté, la conférence de presse a été l'occasion de présenter les résultats d'un sondage d'opinion qualifié de « surprenant » et « incompréhensible » par le président de l'Instance. Selon ce sondage, peu de Tunisiens connaissent leurs droits en matière de protection des données personnelles. Outre qu'un peu moins de 80% des Tunisiens ne connaissent même pas l'existence de l'Instance, les sondés semblent inconscients des dangers de la diffusion de leurs données personnelles. En effet, 43,4% sont favorables à la diffusion sur Internet des enregistrements des caméras de surveillance et 70% acceptent sans rechigner d'écrire leurs numéros de téléphone et numéros de carte d'identité au dos d'un chèque émis. Par ailleurs, 60,3% des personnes interrogées ignorent qu'elles sont en droit de demander une copie de leurs données personnelles détenues par les administrations. Près de 60% ne voient pas dans la nouvelle carte biométrique (toujours à l'état de projet) et l'identifiant unique un danger pour leurs libertés. « Je suis étonné par ces chiffres alors que l'identifiant unique, tel qu'il est proposé, est digne d'un Etat policier », a déclaré Gaddes. Depuis sa création, l'Inpdp a traité 3.400 dossiers, dont 80% après 2015. Les dossiers cependant n'aboutissent généralement à rien, et ne sont pas transmis à la justice par le procureur de la République.