Il s'agit bien d'attente, celle de ces différents personnages solides et fragiles à la fois qui souffrent de leurs frustrations et de leurs lâchetés et qui guettent, dans cette Algérie contemporaine, leurs printemps et leurs hirondelles. Le film franco-algérien «En attendant les hirondelles» a fait sa sortie, le 14 février, dans les salles CinéMadArt - Carthage, cinéma Amilcar et cinéma l'ABC. C'est le premier long métrage du réalisateur algérien Karim Moussaoui qui lui a valu le prix du meilleur premier film lors de la récente Cérémonie des lumières et chez nous le prix du jury lors des Journées cinématographiques de Carthage 2017. «Aujourd'hui, en Algérie, trois histoires, trois générations. Mourad, un promoteur immobilier, divorcé, sent que tout lui échappe. Aïcha, une jeune fille, est tiraillée entre son désir pour Djalil et un autre destin promis. Dahman, un neurologue, est soudainement rattrapé par son passé, à la veille de son mariage», annonce le synopsis. L'image de son côté avec beaucoup de subtilité a su donner toute sa force au propos. Karim Moussaoui nous présente une première œuvre bien maîtrisée et bien ficelée suivant un fil narratif déconstruit où trois récits, se chevauchant, restent en suspens pour laisser entrevoir un devenir fictionnel. Car il s'agit bien d'attente, celle de ces différents personnages solides et fragiles à la fois qui souffrent de leurs frustrations et de leurs lâchetés et qui guettent, dans cette Algérie contemporaine, leurs printemps et leurs hirondelles. Attendre oui, mais pas pour passer d'un récit à l'autre, Moussaoui nous dit que ce qui compte ce n'est pas de révéler uniquement mais de laisser entrevoir, élargir les champs et guetter... Trois récits qui vont crescendo (dans la durée et l'émotion) : le premier (le moins intéressant !) est celui de Mourad, un promoteur immobilier, divorcé, dépassé par le cours de sa vie et qui sent que tout lui échappe: son fils, sa deuxième femme, une Française d'origine algérienne qui a du mal à se faire une place dans sa vie en Algérie. Il se retrouve confronté à sa propre lâcheté. L'histoire de Aïcha qui doit composer (sans peine, il faut le dire, et avec beaucoup de subtilité) avec le conservatisme de son entourage et qui a du mal à choisir entre l'appel du désir et celui de la raison. Son envie de liberté et justement cette envie de ne pas choisir, d'élargir le champ des possibles — à l'image de ces beaux paysages d'étendues arides qui reviennent tout au long du film, le réalisateur la figure dans une captivante scène de danse-transe échangée avec son amant Djalil. Et le dernier récit, celui de Dahman qui, confronté à un drame du passé, doit lui aussi prendre des décisions. Des récits en devenir, laissés en suspens, à l'image de ce désir universel de voir revenir les hirondelles...