Invité vendredi soir, à une rencontre dans le cadre de la 34e édition de la Foire internationale du livre de Tunis (Filt), le jeune écrivain d'expression francophone est revenu sur sa conception de l'exercice littéraire, mais aussi du monde dans lequel nous vivons, à l'écologie fragile et où l'extrémisme touche plus d'un niveau. De «La Sérénade d'Ibrahim Santos», jusqu'à «L'Amas ardent» en passant par «La marche de l'incertitude», l'écriture littéraire pour le Tunisien Yamen Manaï, dont tous les romans ont été primés, est une fenêtre d'espoir et une façon à lui de dire que «le meilleur est possible». L'auteur estime que ces trois livres, édités respectivement en 2011, 2013 et 2017, «n'étaient pas écrits dans le même esprit», cependant le Coran demeure sa source d'inspiration avec cette «envie de le réhabiliter», pour qu'il ne soit pas limité au seul cadre législatif, historique et spirituel. Invité vendredi soir à une rencontre dans le cadre de la 34e édition de la Foire internationale du livre de Tunis (Filt), le jeune écrivain d'expression francophone est revenu sur sa conception de l'exercice littéraire mais aussi du monde dans lequel nous vivons, à l'écologie fragile et où l'extrémisme touche plus d'un niveau. Il s'est surtout attardé sur son dernier opus, «L'Amas ardent», prix des Cinq continents de la francophonie, l'année de sa sortie. Le roman est l'histoire d'un apiculteur vivant dans un village lointain, pris par le monde des abeilles ou ses «filles» comme il aime les appeler, mais qui se trouve confronté à la cruauté et la violence de son entourage, métaphore du monde plus vaste dans lequel nous vivons. Pour l'auteur, cette histoire du roman «peut se passer dans n'importe quel pays en proie à l'extrémisme quelle qu'en soit sa forme, religieux ou idéologique». Partant d'un contexte local, les différents chapitres du roman sont une métaphore de la situation de la Tunisie moderne, à travers l'histoire de l'apiculteur qui essaye de réintroduire de l'harmonie dans les ruches et l'univers qui l'entoure. L'auteur s'est inspiré des abeilles qui représentent, à son sens, la spiritualité et le sens de la religion musulmane. «Si Dieu sacralise les abeilles, il sacralise la vie», dit-il, dans une expression pour réfuter la pensée de ceux qui sacralisent la vie dans l'au-delà (après la mort) aux dépens de la vie réelle. Il s'oppose «aux discordionistes adoptant la théorie du chaos» et présente sa propre théorie concordante avec la vision monothéiste disant que «l'univers, régi par une force divine, est plutôt ordonné». C'est d'ailleurs le fin mot de l'histoire de l'apiculteur qui arrive à cerner la spiritualité dans le travail des abeilles. Réclamant ses convictions de monothéiste, l'auteur affirme aussi : «Je crois à l'ordre de l'harmonie et la spiritualité», qui émane d'un background «culturel, spirituel, soufi, de tolérance et d'acceptation de l'autre». La littérature sert donc de moyen pour l'auteur afin de rompre avec ce cycle de chaos qui règne. Yamen Manaï présente un roman qui s'adresse au lectorat tunisien mais aussi à l'ensemble du monde francophone afin de vaincre «cette phobie que certaines personnes ont du texte coranique». Dans une société tunisienne moderne marquée, notamment après 2011, par le chaos à tous les niveaux, l'auteur n'avait de choix que d'aborder les maux de cette société, partant d'une profonde conviction qu'évoquer ces maux est un exercice «thérapeutique», un devoir, un acte de dénonciation et de militantisme indispensable à son rôle d'auteur. Il emprunte la citation de l'écrivain et philosophe français Paul Valéry, «La politique est l'art de désintéresser les gens de ce qui les intéresse vraiment», pour dénoncer la politique mondiale. A cet égard, la Littérature sert à contrer cette volonté de soumettre l'Homme. S'agissant de la traduction de «L'Amas ardent», Yamen Manaï parle d'une version en cours en polonais et en roumain ainsi que de négociations en cours avec des éditeurs italiens et américains. Il espère voir des éditeurs arabes penser à la traduction de son œuvre vers l'arabe, malgré «le peu d'intérêt manifesté par des éditeurs tunisiens arabophones rencontrés à la Foire du livre de Tunis».