Par Khaled TEBOURBI Mercredi 25 avril 2018 était le 20e anniversaire de la mort de Néjib el Khattab. Nombre de nos confrères y ont pourvu. Et de belle façon. Exemple de «Tawq el yassamine» sur la Watania 2 qui a rediffusé un fort émouvant documentaire retraçant les moments saillants de la carrière du grand disparu. Pour notre part, nous avions précédé l'événement dans une chronique de 2017 où il était question de «figures irremplaçables». Nous y avions joint le célèbre animateur, ajoutant, en l'occurrence, que nous lui devions, tous (anciens et contemporains), un humble et clair mea culpa. Mea culpa pour n'avoir pas compris ce que sa présence et son travail ont apporté, notamment au mouvement de la chanson. A cette période (le regrettons-nous, tous), nous n'arrêtions pas de dévaloriser ses émissions, les «toisant de bien haut», les accusant de «rabaisser les niveaux», de «déprécier les goûts». Alors qu'à la vérité, ces émissions accompagnèrent sans coup férir l'essor musical dans tout un pays. C'était la tranche prolixe des années 80. Comme venues de nulle part, des voix «hors pair» avaient fait irruption. Amina, Dhikra, Najet, Soufia, Fatma Ben Arfa, Chokri, Sabeur, Hajji (et quelques autres) ralliaient les Chaouachi, Bouchnaq, Slah Mosbah, Lilia, les frères Assli et les sœurs Bjaoui, perles rares de la précédente décennie. Un trésor, un nouvel âge d'or que seul, avouons, Néjib el Khattab avait su capter, mettre en évidence, suivre «à la trace», propulser, faire rayonner. Des années, aussi, où une jeune génération d'auteurs et de compositeurs avaient pris place: Shabou, Ayadi, Samir Agrebi, Gassouma, Majri, Guizani, Allem, Harakati, etc. Autres carrures, autres pointures. Autre «poétique», surtout, autre lexique, autre sémantique, que le présentateur, pourtant fraîchement débarqué dans le milieu des Arts, identifia vite à son temps. «Inocula» aux écoutes d'emblée. «Le modèle» Néjib el Khattab fut, précisément, celui-là. Celui (volontaire ou pas, né de passion et d'intuition en tout cas) de la jonction de l'Art et de la communication. Le meilleur des arts et des artistes à travers le meilleur de la télévision. Nous n'osions le reconnaître à l'époque, mais jamais avant «Law Samahtom», avant «Alwane wa ajoua» et d'autres qui suivirent, nous n'eûmes droit à de tels plateaux, à une telle qualité d'interviews, à une telle succession de talents. Et jamais, après le départ de Néjib, nos télévisuelles n'auront plus cette prestance, cet éclat. On a dit modèle. Une porte s'est refermée un 25 avril 1998. Une télévision, une bonne, une vraie (avouons encore) avait fait définitivement ses adieux. Le «bémol», maintenant. Car il y en eut. Mais «posthume». Un «legs» que le défunt lui-même aurait renié. C'est le pouvoir absolu des animateurs qui sévit depuis. Dans les années 60-70, et jusqu'en 84-85, radio et télévision nationales s'en remettaient à une commission de poètes et de musiciens pour décider du contenu de leurs «musicales». Néjib el Khattab n'était ni mélomane, ni critique d'Art, ni praticien. Mais ses émissions, il en choisissait presque toujours le contenu. Rarement il s'en remettait aux connaisseurs, aux gens de métier. Sa réussite alors ? Son succès ? Sa célébrité ? Une exception. Une rare, très rare exception. C'est ce que ses successeurs, à la télévision publique, puis ceux des télés privées (à plus forte raison) n'ont, visiblement, pas «discerné». Jamais discerné. Pour eux le modèle «Khattab» a fait ses preuves. On l'a reproduit, «ipso facto». C'est-à-dire que sans être «un animateur à part»,un présentateur et un interviewer d'exception, la seule fonction (le seul titre administratif) a, désormais, suffi pour établir un conducteur, pour sélectionner les talents, faire et défaire les succès, juger des chansons et des chants. C'est à dire, qu'avec le passage du temps et la bénédiction de «tout le monde», des profils qui n'y ont ni touché, ni vu, ni connu, se muent en critiques d'Art, en mélomanes, en pratiquants, voire en savants, musiciens. Nous ne «proférerons» pas de noms. Il n'y a plus, quasiment, qu'eux. Sur certaines chaînes, à longueur de «talk-shows», la laideur des voix et des sons est insoutenable, et les dissonances frisent l'indécence. Le modèle (l'exemple !), hélas, n'est plus qu'un legs perverti.