Le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire, tant vantée de la part de tous les acteurs politiques et sociétaux, est en cours de préparation. Une première version, qui a fait l'objet d'une consultation publique, a été discutée. Le financement, pierre angulaire du secteur, présente la principale lacune du présent projet de loi. Le dernier jour de la consultation publique sur le projet de loi relative à l'Economie sociale et solidaire, a fait l'objet d'une journée de réflexion pour en débattre. Cet événement qui a été organisé par le Laboratoire de l'économie sociale et solidaire, vendredi dernier 25 mai à Tunis, a réuni plusieurs acteurs de la société civile, notamment dans les régions, ainsi que des experts juridiques et des représentants des ministères pour discuter du projet de loi élaboré par le gouvernement. Les discussions ont porté surtout sur les mécanismes de financement des entreprises sociales et solidaires. Le mode de financement indiqué dans la version actuelle de la loi ne répond pas aux aspirations des acteurs de la société civile, vu qu'il implique un recours aux banques commerciales, et ne mentionne pas l'instauration de banques mutuelles. Les experts juridiques, qui y étaient présents, ont, à leur tour, expliqué que l'économie sociale et solidaire fait, désormais, l'objet d'un consensus entre les diverses parties politique, sociale et gouvernementale. Ce qui présente une assise d'entente multipartite pour l'élaboration d'une loi organique qui met en place les bases d'un nouveau secteur. Ils ont précisé que le projet de loi présente en soi un pas révolutionnaire qui va mettre sur pied les bases d'un nouveau secteur de l'économie en Tunisie. Un autre bémol a été, également, évoqué. Les représentants de la société civile ont contesté la définition ambiguë du Label de l'économie sociale et solidaire, mentionnée dans le projet de loi, et qui, selon eux, laisse planer le doute. En substance, le projet de loi présente plusieurs lacunes auxquelles il faudrait pallier. Il est vrai que la phase de la consultation publique est close, mais les concertations interministérielles sur le projet de loi vont, a priori, traîner en longueur. Et si le projet de loi ne parvient pas à l'ARP avant fin septembre, la finalisation de la loi va encore traîner puisque toutes les lumières seront braquées sur la nouvelle loi de finances. Déclarations Nawel Jabbès, chargée de l'Economie Sociale et Solidaire auprès du ministre de l'Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche: «Le financement via des banques mutuelles» Ce qu'on peut retenir des avis et des remarques des acteurs de la société civile participant à l'évènement, c'est que le projet de loi ne répond pas à leurs attentes, en matière de financement, de structuration, de gouvernance et d'incitations. Quant au financement, il y avait presque un désenchantement total de la part de la société civile et des jeunes voulant entreprendre et investir dans l'économie sociale et solidaire. Là, il y a eu le veto du ministère des Finances et de la Banque centrale qui ont refusé la proposition de création de banques mutuelles. Cependant, si l'on souhaite établir un secteur à part entière de l'économie sociale et solidaire, il faudrait qu'il y ait des mécanismes de financements qui lui soient propres. Le financement via des banques mutuelles est l'essence même de l'économie sociale et solidaire, il ne peut pas être tributaire des banques commerciales. Nous, en tant que ministère de l'Agriculture, nous étions d'accord sur les lignes de financement comme mesures transitoires. Mais nous avons appelé à préciser dans le texte de loi que ces lignes soient spécifiques aux entreprises de l'économie sociale et solidaire et qu'elles doivent se conformer à leurs exigences. Egalement, nous avons appelé à former les professionnels des banques pour les initier aux notions relatives à ce nouveau secteur. En outre, la structuration du secteur demeure encore un point ambigu. En effet, à travers la loi organique qu'on est en train d'élaborer, nous souhaitons chapeauter les diverses institutions dispersées à l'instar des GDA, des coopératives agricoles et les rassembler en un seul réseau. Ainsi, le secteur de l'Economie sociale et solidaire pourrait contribuer de manière effective et significative au PIB national, et devenir une force et un secteur compétitif de l'économie. Ce qui n'a pas été mentionné clairement dans le présent projet de loi. Rachid Abidi, directeur de Lab'ess :«Interrogations et inquiétudes relatives au projet de loi» Notre mission est de promouvoir le secteur de l'économie sociale et solidaire, et de créer des synergies et des connexions avec les différents acteurs de l'ESS, un secteur récent en Tunisie. Ainsi, nous avons décidé dans le cadre d'une consultation publique qui a duré 20 jours, à savoir du 3 mai jusqu'au 26 mai, d'organiser un événement qui permet de débattre du projet de loi sur l'ESS avec des experts. Une loi organique qui va cadrer, structurer, et en outre formaliser un nouveau secteur de l'économie. Lotfi Ben Aissa, Nawel Jabbes, et Zied Boussen étaient invités pour donner un éclairage, rencontrer des membres de la société civile et échanger sur le sujet. Après cet événement, on comprend qu'il y a encore beaucoup d'interrogations, voire des inquiétudes relatives au projet de loi. On pense de toute façon qu'il y aura encore du temps pour apporter les recommandations nécessaires. La contribution de Lab'Ess ne va pas s'arrêter là. C'était un premier événement pour nous pour mettre le sujet sur la table. Nous allons, également, travailler avec le PCPA Programme Concerté Pluri-Acteur qui regroupe 80 associations qui collaborent dans le cadre d'un pôle d'insertion professionnelle ESS et qui fait du plaidoyer au côté du partenaire Ugtt pour développer cette loi.