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L'alternative stratégique
Perspectives — Economie sociale et solidaire
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 10 - 2015

L'économie sociale et solidaire pèse aujourd'hui près de 10% du PIB dans des pays comme la France, l'Espagne ou l'Italie, et emploie entre 9% et 11% de la population active, contre moins de 1% en Tunisie
Face au grand malaise du système socioéconomique, qui donne la preuve que celui-ci connaît une crise structurelle et non pas seulement conjoncturelle, des forces civiles et politiques ont pris l'initiative pour d'élaborer une alternative qui soit susceptible d'apporter soulagement et espoir aux millions des Tunisiens qui sont confrontés à de nombreuses difficultés qu'ils ont à gérer au quotidien. C'est dans cet esprit qu'a été rédigée, dans le cadre du séminaire organisé, cet été, par l'Ugtt, la note relative aux étapes de réalisation du projet de loi organique de l'Economie sociale et solidaire (ESS) et à la fondation d'une entité nationale fédérative de ses composantes et auquel ont pris part, notamment, les présidents de l'Utica et de la Ltdh, les représentants du Bureau international du travail (BIT), du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), les présidents des groupes parlementaires de Nida Tounès, du Mouvement Nahdha, du Front populaire, d'Afek Tounès, de l'UPL et du groupe socio-démocrate ainsi que les représentants d'associations citoyennes dont, particulièrement, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes).
Les crises répétitives, que connaît le système capitaliste mondial, amplifient de manière dramatique les problèmes sociaux, économiques et écologiques de nos sociétés, par la montée brutale du chômage, notamment, chez les jeunes diplômés et particulièrement les filles, la précarisation des PME, menacées de faillite, l'extension dangereuse de l'économie souterraine, c'est-à-dire la contrebande, la progression de la misère et de l'exclusion, la dégradation des conditions de vie des classes populaires et moyennes, et ébranlent, en conséquence, les fondements du contrat social dans plusieurs pays. Le seul mérite de ce système, c'est d'avoir révélé un acteur inattendu mais pertinent sur la scène économique et sociale, l'ESS, pour avoir résisté à la crise, et de lui avoir offert une opportunité historique pour s'affirmer, se faire connaître et reconnaître comme un secteur à part entière, dont il convient de rappeler les principes et les secrets de sa réussite. Globalement, l'ESS se fonde sur un double emprunt, elle partage avec le secteur public le souci de l'intérêt général, et avec le secteur privé celui de la rentabilité. L'intérêt général signifie que l'homme, la fin, prime sur le capital, le moyen. Autrement dit, une structure de l'ESS est nécessairement au service d'un projet collectif d'utilité sociale et non d'un projet individuel dans l'intérêt propre de son porteur. En effet, si l'objectif principal de l'activité de l'entreprise classique est la recherche de bénéfices, dont la majeure partie est distribuée sous forme de dividendes, tel n'est pas le cas de l'entreprise de l'ESS qui, même si elle obéit aux règles du marché et cherche à obtenir des excédents, elle n'en distribue qu'une petite partie sous forme de participation ou de dividendes. L'essentiel étant automatiquement réinvesti pour garantir la pérennité de l'entreprise et permettre son extension. L'indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics et des partis politiques ainsi que la libre adhésion sont les autres principes cardinaux de l'ESS, en ce sens que nul ne peut être contraint d'adhérer ou de demeurer adhérent d'une structure de l'économie sociale. En outre, la gestion de ses structures est démocratique et transparente. L'autre règle d'or de l'ESS est que chaque membre n'a qu'une seule voix, et ce, quel que soit son apport, en capital dans une coopérative, ou en temps dans une association. Il importe de savoir qu'aujourd'hui l'ESS pèse près de 10% du PIB dans des pays comme la France, l'Espagne ou l'Italie, et emploie entre 9% et 11% de la population active, contre moins de 1% en Tunisie. Ce n'est pas faute de potentiel, qui reste énorme, bien au contraire, un véritable boulevard est ouvert à l'ESS à la faveur du désengagement de l'Etat de la sphère économique et sociale et de la frilosité du secteur privé, mais les freins sont multiples : blocages juridiques, très mauvais accès aux moyens financiers, notamment pour les coopératives, gestion bureaucratique, voire dilettante des associations, problèmes de commercialisation des produits, etc.
Mauvaise gestion
Il est tout à fait paradoxal qu'au moment où le monde entier valorise le système coopératif, un des piliers de l'ESS, sur une initiative de l'Assemblée générale des Nations unies, qui a proclamé 2012 «Année internationale des coopératives», ce secteur se retrouve aujourd'hui extrêmement marginalisé en Tunisie et continue de payer le lourd tribut d'une expérience historique malheureuse. Celle des coopératives des années 60 qui était été un échec dû à une politique économique dirigiste et autoritariste, ayant bafoué les principes cardinaux du coopérativisme, à savoir la libre adhésion, l'indépendance et la démocratie sociale, principes mis à mal par le monopole de l'Etat et l'envahissement de l'appareil administratif bureaucratique. Aujourd'hui, le secteur coopératif en Tunisie se limite à 150 coopératives, essentiellement agricoles, qui souffrent de l'intervention de l'autorité de tutelle, soit des ministères de l'Agriculture et des Finances pour les coopératives centrales opérant sur l'ensemble du territoire national, et qui sont au nombre de sept, soit du gouverneur pour les coopératives de base dont le périmètre d'activité est limité à la région, comme elles souffrent du manque de couverture sociale, de la mauvaise gestion des ressources financières, d'endettement, du manque de diversification des activités, de l'insuffisance des programmes d'encadrement et de la répartition régionale déséquilibrée, étant donné que 64% de ces coopératives se trouvent dans les régions côtières. Dans certains secteurs tels que celui des céréales, les coopératives centrales sont mandatées par l'Office des céréales pour collecter les récoltes, approvisionner les agriculteurs en semences, leur fournir les sacs nécessaires, etc. Elles utilisent les infrastructures étatiques, locaux administratifs, silos..., dont la maintenance n'est plus assurée. Il est même question de les privatiser plutôt que de les mettre à niveau. Au niveau de la gouvernance, certaines coopératives ne tiennent pas d'assemblées générales depuis longtemps, n'arrêtent pas de bilans tous les ans, ni ne les publient non plus. Le glissement sémantique constaté dans la nouvelle loi de 2005, qui ne parle plus de «coopératives » mais de «sociétés mutuelles de services agricoles» en dit long sur l'état d'esprit des décideurs, quatre décennies après la crise du système coopératif. Ce changement a entraîné un arrêt total d'activité de 21 entreprises et la dissolution de 58 coopératives qui ne se sont pas conformées au nouveau cadre juridique, alors que le secteur agricole demeure caractérisé par un très grand morcellement des terres : il existe 516.000 unités d'exploitation agricole couvrant 5,3 millions d'ha, et utilisant 39.069 tracteurs.
Nécessité d'un nouveau cadre juridique
Les mutuelles constituent la deuxième composante de l'ESS, elles sont au nombre de 43 : 13 dans le secteur public relevant de quelques ministères, enseignement, culture, transport, santé, agriculture, etc., dont la très ancienne et puissante Mutuelle des accidents scolaires et universitaires, créée en 1932 avec ses 2,3 millions d'adhérents et un budget conséquent, 17 dans le secteur parapublic et 11 dans le secteur privé, retraités, journalistes, banques, etc. Leurs prestations consistent à fournir essentiellement une couverture complémentaire au risque lié à la santé, le système de base étant géré par la Cnam, mais également quelques prestations sociales, comme les primes de mariage, de naissance, de vieillesse, de décès et de loisirs, ainsi que de petits crédits. Le secteur est régi par des textes anciens, à savoir le décret de 1954, et les arrêtés de 1961 et 1984. Un projet de loi relatif aux mutuelles a été élaboré et présenté en janvier 2010, mais qui demeure sans suite. Le gouvernement actuel a présenté, pour la consultation publique, un nouveau projet de code des mutuelles, préparé par le Comité général des assurances, critiquable à plus d'un titre. Quant au tissu associatif, il a explosé après le 14 janvier 2011, où on recense environ 18.000 associations environ, dont quelques centaines sont à caractère social et économique, parmi lesquelles 280 de microcrédits, dites de développement. Celles-ci ont vu le champ de leur intervention élargi à la composante assurance en contrepartie de l'exigence d'un capital minimum de 200 mille dinars pour chaque association de développement pour qu'elle puisse poursuivre son activité. Ce qui met leur existence en péril et constitue une véritable menace pour leurs 1.200 employés. La disparité des textes, le caractère caduc de certains d'entre eux, rend aujourd'hui urgente l'élaboration d'une loi organique qui consacre les principes de l'ESS, définit ses composantes, énonce les règles de fonctionnement démocratique de ses structures et détermine les mécanismes de son financement. Elle serait la référence réglementaire fondamentale pour les différentes législations et réglementations spécifiques à chaque branche de l'ESS. Celle-ci doit s'affirmer comme une alternative stratégique au secteur informel et combler le vide laissé par les secteurs public et privé en matière d'investissement et d'emploi. Dans le but de mettre en place un cadre législatif qui définit, d'une part, les principes de l'ESS, détermine ses composantes, fixe les règles de la gouvernance interne ainsi que les mécanismes de son financement, et qui institue, d'autre part, une entité fédérative des composantes de l'ESS, qui soit à la fois l'interlocutrice des pouvoirs publics et des instances de la société civile tunisienne et internationale, il est proposé de former un groupe de travail constitué d'experts et de représentants des différentes parties concernées par le projet qui aura pour mission de produire, dans des délais raisonnables, un certain nombre de documents, inhérents à un recensement exhaustif des textes juridiques en vigueur, à une étude comparative de la législation étrangère en matière d'ESS, à une note référentielle, servant d'exposé des motifs, devant développer de manière précise l'architecture de la loi organique et répondre clairement à des questions essentielles relatives à l'ESS, et à un projet de loi organique conforme à la note référentielle qui sera validé par des experts juridiques avant sa présentation aux pouvoirs exécutif et législatif.
Travail de sensibilisation
Aujourd'hui, on assiste à une sensibilisation accrue des composantes de la société civile : syndicats, réseaux dédiés, associations citoyennes, partis politiques, bien qu'avec des approches différentes, au thème de l'ESS en Tunisie. On relève également l'intérêt qu'éprouvent des partenaires et acteurs étrangers, des organisations régionales, continentales et internationales pour cette économie qu'ils cherchent à promouvoir dans notre pays. Ceci rend plus urgente la nécessité de développer une approche commune d'un cadre normatif de l'ESS. Il importe, ici, de rappeler que l'activité mutualiste et coopérative a toujours été le corollaire de l'activité syndicale, avec Med Ali Al Hammi en 1924, puis Belgacem Gnaoui en 1936, ensuite avec le Programme économique et social de l'Ugtt pendant les années 50, qui a donné lieu à la création de tout un tissu mutualiste et coopératif, constitué de 35 entités soutenues financièrement par la Banque du Peuple appartenant à la centrale syndicale. Elle renouvelle aujourd'hui son adhésion à l'ESS et à ses principes universels, sur la base d'une lecture critique des expériences passées, et à travers l'organisation de cycles de formation dans le cadre de programmes de coopération syndicale internationale et le lancement d'une initiative devant conduire à doter le secteur de l'ESS d'un cadre législatif approprié et d'une instance organisationnelle fédérative. De même, les mutuelles, au sein et en dehors de l'Union nationale des mutuelles tunisiennes (Unam), les différents réseaux de l'ESS ainsi que les associations citoyennes ne cessent de sensibiliser l'opinion publique et la société civile et politique à l'importance de ce secteur, à sa capacité à contribuer dans l'effort de développement, au même titre que les secteurs traditionnel, public et privé. Mieux encore, à réussir là où ceux-ci ont échoué. Ce travail de sensibilisation a été effectué à travers l'organisation, au niveau local, de nombreux séminaires nationaux, régionaux et internationaux et la participation active à des colloques à l'étranger, ainsi que l'action sur le terrain par la réalisation de certains projets dans les régions défavorisées au profit de la femme rurale et des jeunes chômeurs, grâce à un appui financier international. L'organisation de la première session de Med ESS à Tunis en 2013, sous le titre «le printemps de l'engagement solidaire», a été un moment fort du partenariat méditerranéen dans ce domaine, suivie d'un récent séminaire tripartite, impliquant l'Ugtt, l'Utica et le ministère de la Formation professionnelle et de l'Emploi, sur une initiative du BIT, sous le titre : «l'ESS : moteur du développement».


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