Le processus de remise en marche de l'Instance supérieure indépendante pour les élections risque d'être long avec les vacances parlementaires qui se profilent à l'horizon, et en raison des calculs partisans. Les divers scénarios possibles risquent d'impacter les élections de 2019. En attendant, Mansri est acculé à faire cavalier seul et à assurer la continuité du travail de l'Isie Tout le monde se souvient que l'élection d'un nouveau président à la tête de l'Isie, après la démission de Chafik Sarsar, n'a pas été chose facile à défaut de consensus et en raison des clivages partisans et des intérêts personnels. A peine élu à la tête de cette instance en novembre 2017, après quatre sessions marquées par les reports sur fond de désaccords, Mohamed Tlili Mansri, avocat de métier, n'a pas fait l'unanimité et fut en butte à l'animosité de ses adversaires. Une animosité qui s'est apparemment accrue après les élections municipales et a conduit à l'éjecter précipitamment de son siège, en application de l'article 15 de la loi relative à l'Isie pour « faute grave commise dans l'accomplissement de ses obligations ». Une accusation contestée par le concerné en dépit de cette majorité de 8 voix (sur 9) qui l'a poussé à la porte en attendant le verdict final de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Une éviction malgré la réussite des municipales Pour le moment, les informations se font rares autour des vraies raisons qui ont poussé à l'éviction du président de l'Isie, mais les prémices étaient dans l'air depuis l'intronisation de ce dernier. La réussite de l'organisation des dernières élections municipales n'a pu dissimuler certaines défaillances relevées par les représentants des ONG et par la mission d'observation électorale relevant de l'Union européenne. En effet, cette dernière a relevé dans sa Déclaration préliminaire publiée le 8 mai 2018 que « le contrôle de campagne par les agents de l'Isie s'est avéré par endroits excessivement rigide ». La Mission de l'UE a en outre enregistré « certaines divergences dans l'interprétation par les instances régionales de l'Isie de ce qui était autorisé, ajoutant que les difficultés de l'instance centrale ont donné lieu à des retards significatifs dans les préparatifs électoraux et contribué à renforcer le pouvoir d'appréciation de ses instances régionales ». Nonobstant, l'évaluation du déroulement des élections a été globalement positive. La mission de l'Union européenne a parlé d'un « scrutin crédible qui marque une étape cruciale pour la démocratie en Tunisie malgré une mobilisation modeste et certaines faiblesses techniques ». Qu'est-ce qui s'est passé pour que les membres de l'Isie se rebiffent contre leur président et demandent son départ et pourquoi ce timing ? La Presse a posé ces questions au président « limogé », Mohamed Tlili Mansri, qui n'a pas hésité à son tour à les renvoyer aux membres qui ont pris cette décision. « J'ai travaillé d'arrache-pied et contribué à la réussite de ces élections comme en témoigne le rapport préliminaire de la mission de l'UE, mais je savais déjà qu'ils ne me portaient pas dans leur cœur, ils voulaient la présidence de l'instance », nous confie-t-il. Inévitable impact sur les élections de 2019 «Pour le moment, je m'attelle à préparer le rapport financier et le rapport d'activités qui doivent être prêts avant le 30 juin, ainsi que le plan opérationnel de l'échéance électorale de 2019 et le budget de l'Isie avant la fin du mois d'août prochain. Je me trouve seul face à un chantier à ciel ouvert», se plaint-il. On saura peut-être beaucoup plus sur les raisons d'une éviction annoncée lors de la séance d'audition du président limogé prévue à l'ARP mais en attendant quels sont les scénarios possibles ? Il faut tout d'abord que les membres de l'Isie qui ont pris cette décision adressent un rapport au bureau de l'ARP. Le limogeage doit être motivé et la faute grave prouvée après une séance d'écoute du président sinon la décision devient caduque. Dans le cas où la décision est acceptée par le bureau de l'ARP, elle sera soumise au vote. Un quorum de 109 voix est nécessaire pour faire passer le vote. Si la décision du limogeage est refusée, les 8 membres, qui ont demandé le renvoi du président de l'Isie, auront le choix soit d'accepter le verdict soit de démissionner à leur tour, ce qui nécessitera de nouvelles élections. Dans les deux cas de figure, ceci va poser problème et impacter la prochaine échéance électorale de 2019, nous confirme Mansri. Le processus prendra beaucoup de temps en raison des prochaines vacances parlementaires. Mohamed Tlili Mansri a été certes secoué par la décision mais pas pour autant surpris. C'est peut-être l'arbre qui cache la forêt. Pour le moment, il est acculé à faire cavalier seul et assurer la continuité du travail de l'Isie. « J'ai bien accompli mon devoir et assumé mes responsabilités et je suis prêt à être auditionné par l'ARP mais il faut surtout préserver cet acquis et ne pas perturber le rendez-vous électoral de 2019 », a-t-il conclu.