Il aurait pu remplir une carrière plus longue et plus dense mais la mort tragique, impitoyable, l'a moissonnée au milieu de sa course. Le cœur du photographe de presse, Habib Torkhani, a lâché hier, et a laissé au regard de ses collègues de l'agence Tunis Afrique Presse et de ses confrères dans le secteur, le souvenir d'un photographe estimable au moment où il touchait au plus près la notoriété à la quelle tout journaliste devrait avoir droit et la consécration à la quelle il s'est efforcé d'y arriver après une carrière de près de quarante ans. Très apprécié de ses pairs, sa disparition a rapidement déclenché de nombreux hommages. En effet, rien n'échappait à l'œil aiguisé de ce photographe de presse toujours en première ligne des évènements. On le revoit encore jouer du coude pour se frayer un chemin parmi une grappe de photographes les plus chevronnés de la presse locale et étrangère pour arracher un cliché digne de la réputation de la TAP. Depuis l'ère de l'argentique, il n'a cessé de capturer l'instant, les secondes intimistes, précieuses et rares, depuis les plus petits aux plus grands... tout simplement. C'est que pour Habib Torkhani tout le monde est important. Simple, discret, sociable et convivial, il a délaissé une carrière d'agent au profit de la photographie. Il avait fait ses débuts dans les années 70 à la prestigieuse agence de presse avec laquelle il gardait un lien indéfectible. Poussé par sa fougue avant-gardiste, son intrépidité, son sens de la créativité et du contact, il faisait tout pour ramener de l'image, avec son Canon ou ses reflex Nikon F. Il trouvait la force de déclencher, d'aller au plus près, de côtoyer le détail à 35mm. Il photographiait dans l'urgence, presque instinctivement. Cet instinct de photographe, ce pur et admirable talent. A l'instar du reste des journalistes de la TAP, c'est malheureusement la mort qui le fera sortir de l'anonymat. Ses photos sont reprises, comme pour les dépêches de la TAP, sans en citer la source. Ceux qui ont fait du batonnage des dépêches le savent, on raye d'un simple trait les initiales des auteurs, on reproduit le contenu des articles sans se soucier des efforts de ceux qui les ont produit. Insouciance, ingratitude, plagiat, est le lot quotidien de ces illustres inconnus qui pourtant produisent à plus de 80% le contenu médiatique de nos journaux et sites électroniques. Pourtant, le crédo de cette agence post 14 janvier 2011, est instantanéité, fiabilité et crédibilité. Et Habib Torkhani est un pur produit de cette maison. Il est de la lignée des photographes qui auront marqué de leurs empreintes les produits du temple. Aujourd'hui, on regarde encore les photographies de Habib Torkhani avec la même émotion. Mais au-delà de l'objectif de son appareil, Habib Torkhani était surtout un œil, un regard empli de compassion et d'humanité. Et le dernier hommage que lui sera rendu aujourd'hui, est une reconnaissance et une gratitude envers celui que tout le monde dans le domaine de la photo considère comme un témoin mais surtout comme un ami.