Quand les ordures s'entassent à la salle d'enregistrement des passagers à l'aéroport de Tunis-Carthage et quand le ministre du Transport parle d'une manipulation et quand l'Office de l'aviation civile et des aéroports incrimine des passagers inconscients, on peut dire qu'il reste beaucoup de travail à faire pour restaurer l'image altérée de notre pays «Manque de conscience chez certains passagers», comme l'affirme le ministre du Transport, «inconscience des femmes chargées du nettoyage continu des travées de l'aéroport», «un coup de vengeance de la part d'un voyageur qui a sauté sur l'occasion pour diffuser la photo incriminée et créer la polémique qui n'avait pas lieu d'être provoquée». Toutes ces accusations ont accompagné la photo-scandale mise en ligne sur les réseaux sociaux montrant des ordures jetées un peu partout dans la salle d'enregistrement des passagers à l'aéroport de Tunis-Carthage. Une image-scandale dans la mesure où on ne s'attendait pas à ce que le laxisme, le laisser-aller et l'irresponsabilité aillent jusqu'à porter atteinte à l'aéroport de Tunis-Carthage, considéré comme la vitrine du pays, vitrine à travers laquelle les visiteurs découvrent la Tunisie et sont édifiés sur ce qui les attend en parcourant ses différentes villes en commençant par la capitale. Hier, vendredi 24 août, l'Office de l'aviation civile et des aéroports (Oaca) a réagi en faisant porter la responsabilité «aux passagers appelés au respect de l'hygiène des différents équipements et espaces mis à leur disposition, et ce, dans l'objectif de préserver l'image des aéroports tunisiens». Pour les responsables de l'Oaca, les responsabilités sont claires : ce sont les passagers inconscients et au comportement incivique qui sont derrière le jet d'ordures dans la salle d'enregistrement. Et l'Office de réagir à l'avance disant à ceux qui pourraient reprocher aux agents de nettoyage leur nonchalance que «les opérations de nettoyage sont effectuées une fois l'enregistrement achevé et les guichets fermés». Donc, au cas où les opérations d'enregistrement s'étendraient tout au long de la journée, «les passagers inconscients, incivils et irresponsables» peuvent inonder la salle d'enregistrement de leurs ordures et déchets sans qu'une seule personne chargée du nettoyage ne puisse intervenir pour rappeler les fautifs à l'ordre ou ramasser les déchets jetés dans la mesure où, comme le rappelle le ministre du Transport, Radouane Ayara, sur les ondes de Shems Fm, «aucune femme de nettoyage n'a le droit de s'approcher du passager fautif». Voilà qui est clair pour le ministre du Transport qui développe une approche bien originale de l'incident. A la place de s'indigner de ce qui s'est passé et d'annoncer qu'une enquête sera ouverte pour que les fautifs soient sanctionnés, le ministre préfère lancer des accusations dont les objectifs sont clairs : il s'agit d'un coup monté, d'une action de sabotage destinée à porter atteinte à l'image de la Tunisie et altérer les efforts considérables déployés par le ministère du Transport dans le but d'offrir à nos visiteurs à l'étranger de retour à leurs pays d'accueil la meilleure image possible de la Tunisie. Et pour une fois, il n'y aura pas d'enquête à effectuer, de sanctions à infliger ou de responsables à punir. Le ministre est on ne peut plus clair et tranchant : «Il n'a fallu qu'à peine quelques instants pour remédier à la situation. Je crois qu'il s'agit d'une manipulation ou encore l'un des passagers s'est plaint contre quelque chose et a réagi de la sorte». Qu'il se trouve effectivement un passager mécontent à tort ou à raison qui a publié l'image de la honte, que les ordures en question aient été levées aussi rapidement qu'elles ont été découvertes, le résultat est là : les millions de dinars évoqués par le ministre du Transport en vue du réaménagement de l'aéroport en prévision de la saison touristique n'ont apparemment servi à rien ou ont plutôt produit l'image de la honte. Que faire pour éviter des récidives, car il s'agit bien de faire en sorte que cela ne se reproduise plus ? En l'absence d'agents de nettoyage et de poubelles, que peuvent ou doivent faire le passager et les accompagnateurs ? Autre piste de réflexion : multiplier les équipes de nettoyage pour ne pas en manquer pendant les longues périodes de fête et, aussi, changer — pourquoi pas ! — le règlement et autoriser les agents de nettoyage à faire leur travail dans chaque coin et recoin. L'image du pays en vaut le prix.