Il semble que Hafedh Caïd Essebsi est persuadé que le parti est sur la voie de l'éclatement inévitable. Il joue ses dernières cartes pour apaiser les tensions et envoyer des messages rassurants aux partisans de Youssef Chahed, quitte à désavouer certains fidèles comme Chaouket «Nida Tounès passera dans l'opposition» : Khaled Chaouket, le dirigeant nidaïste le plus virulent à l'encontre de Youssef Chahed, a, peut-être, devancé ce qu'il en sera de Nida Tounès au cas où les défections des députés nidaistes se poursuivraient dans la direction du bloc parlementaire «Coalition nationale» qui compte déjà 41 membres et est censé accueillir d'autres députés d'ici la rentrée parlementaire prévue le 2 octobre prochain, comme l'a souligné Mustapha Ben Ahmed, président du bloc en question. Khaled Chaouket considère que Youssef Chahed «a escroqué Nida Tounès en le vidant de ses députés et en poussant à la création du bloc parlementaire «Coalition nationale» pour le soutenir au Palais du Bardo et amener Ennahdha à coaliser avec les députés renégats de Nida et actuellement à la solde du chef du gouvernement qui a trahi son parti et agit désormais pour son propre compte». Et même si Chaouket n'hésite pas à utiliser des termes déplacés, pour parler des députés nidaïstes qui ont quitté le parti «sous la pression de Youssef Chahed» et aussi pour Ennahdha qui «a tout fait pour diviser (notre) parti et faire comprendre à Yousssef Chahed et aux nidaïstes qui le soutiennent qu'ils peuvent compter sur lui», il se trouve obligé de reconnaître — qu'il l'accepte ou continue à le nier — que son parti a changé réellement de position sur l'échiquier politique national, qu'il a perdu son statut de parti vainqueur des législatives du 26 octobre 2014 et qu'il n'est plus le parti avec lequel Ennahdha est obligé de coaliser s'il est toujours attaché au consensus, sur la base duquel les nahdhaouis gouvernent le pays effectivement depuis 2015. Que Youssef Chahed soit reconnu comme le traître n°1 au sein de Nida Tounès, que les députés nidaïstes qui le soutiennent aujourd'hui au sein du groupe parlementaire «Coalition nationale» soient considérés par Chaouket comme des lâches et des opportunistes et que Youssef Chahed soit décrié quotidiennement par les nidaïstes encore fidèles à Hafedh Caïd Essebsi comme l'homme qui a volé Nida Tounès, ses idées et ses compétences pour son propre compte, pour l'opinion publique, le résultat est le même : Nida Tounès est sur la voie menant à l'implosion et à l'éclatement définitifs et il n'arrivera même pas à se positionner parmi l'opposition comme le professe Khaled Chaouket. Ce dernier n'a pas finalement tort en prédisant que le parti passera à l'opposition dans la mesure où le nombre des députés nidaïstes est appelé à se réduire de jour en jour. Malheureusement pour Khaled Chaouket, il semble qu'il a parlé trop vite en dévoilant ce qu'il a sur le cœur, lui et les nidaïstes désabusés, sans consulter ou au moins flairer les positions du boss du parti, Hafedh Caïd Essebsi. En effet, le directeur exécutif du parti a démenti, hier, catégoriquement, les déclarations de Khaled Chaouket soulignant : «Aucun communiqué n'a été publié ou déclaration officielle n'a été faite». Et Hafedh va encore plus loin en désavouant ceux qui sont déjà allés vite en besogne pour affirmer que les jours de Youssef Chahed au sein de Nida Tounès sont désormais comptés. Il a, en effet, indiqué, hier, dans une déclaration à Radio Mosaïque qu'il «n'existe aucun conflit entre lui et Youssef Chahed» ajoutant que «ni lui ni son parti n'ont déclaré que Youssef Chahed ne ferait plus partie de Nida Tounès». Pour saisir les propos de Hafedh Caïd Essebsi intervenu hier, à la suite d'une réunion avec le groupe parlementaire nidaïste au palais du Bardo, il n'est pas très sorcier de pressentir qu'ils interviennent à la suite de la réunion, lundi 10 septembre, de l'Instance politique qui avait à son ordre du jour la possibilité d'exclure Youssef Chahed des rangs du parti, réunion qui n'a pas réussi, semble-t-il, à être couronnée par les résultats escomptés. Et les observateurs considèrent l'arrivée de Selma Elloumi Rekik vers la fin de la réunion de l'Instance politique comme un indice supplémentaire du spectre de l'implosion qui plane sur le parti de HCE.