Selon des chiffres officiels, sur cette région de 10.173 habitants, le taux de chômage avoisine les 38% pour les diplômés du supérieur. Sous le ciel clair d'une journée ensoleillée de cette fin de novembre à Tataouine se profile la face d'une réalité bien sombre pour les jeunes vivant dans les délégations frontalières du gouvernorat du Sud-Est tunisien. La mission de la TAP en déplacement sur le terminal frontalier Dhehiba-Ouazen a fait escale au centre de la délégation Dhehiba puis celui de Remada. Chef-lieu des combats historiques de mai 1958 pour le départ du dernier soldat français, la ville de Remada a toujours gardé sa vocation d'une ville de transit. Une fois sur place, le visiteur est vite intrigué par ce rassemblement de jeunes autour de la salle de jeu sur l'Avenue de l'Indépendance et ses portes délabrées, témoin d'un vécu pas du tout rose. Sur le trottoir d'en face, Aziz Abdelhafidh, en discussion avec ses amis, dégage une amertume palpable. Plusieurs sont au chômage. Les plus chanceux d'entre eux ont un travail saisonnier ou journalier qui leur permet de briser la routine d'un quotidien morose où s'estompe toute possibilité d'avancer. 29 ans, diplômé en droit d'entreprise et affaires depuis 2011 et plusieurs autres diplômes de métiers en poche, Aziz n'arrive pourtant pas à trouver un emploi stable, encore moins un travail correspondant à ses compétences académiques. Ce jeune aux traits fins a 5 frères, tous détenteurs de diplômes universitaires et dans divers métiers. «Aucun d'entre eux n'a trouvé de travail. Mon père est au chômage aussi. Le seul moyen de subsistance pour la famille demeure celui de métiers temporaires», résume avec amertume Aziz. Ce cas n'est pas unique dans cette délégation riche en pétrole. Des jeunes et moins jeunes de la région dans un sit-in pacifique qui dure depuis trois mois. «Nous avons ras-le-bol des fausses promesses des responsables locaux et régionaux», regrette Walid Abdelmoula, porte-parole du mouvement baptisé «Sit-in de la dignité à Remada». Il annonce une grève générale et une grande manifestation aujourd'hui. «Nous sommes décidés à aller encore plus loin, toujours avec tous les moyens pacifiques possibles», ajoute Walid. Les jeunes de Remada fustigent la bureaucratie et le désintérêt latent à répondre à leurs demandes et revendications incessantes. «Des pratiques discriminatoires nous privent des postes dans des secteurs-clés, notamment dans les six sociétés d'exploitation pétrolière implantées dans la région». Selon des chiffres officiels, sur cette région de 10.173 habitants, le taux de chômage avoisine les 38% pour les diplômés du supérieur. Le chômage touche davantage les filles que les garçons. Le taux d'échec scolaire est de 11,5% alors que l'abandon scolaire représente le taux le plus élevé au niveau régional, après celui de Dhehiba. Dans ce gouvernorat en forme de triangle aux portes du Sahara, le commerce parallèle est un secteur florissant. A Tataouine, «la contrebande est morte», affirment certains jeunes pour lesquels ce filon juteux est un recours obligé pour survivre. Les mesures sécuritaires draconiennes leur ont barré, en effet, le chemin pour perpétuer cette activité. Dans des cités où l'Etat est perçu comme démissionnaire, les plus démunis n'ont souvent pas de choix. Le besoin impose à certaines personnes de recourir à un plan de survie. La pauvreté a façonné les choix de certaines de ces populations déshéritées poussées à leur destin incertain. Toute une mentalité héritée qui voit en la contrebande la seule issue, au moment où certain agriculteurs des délégations proches se plaignent du manque de main-d'œuvre locale. Risquer sa vie pour une poignée d'argent n'a jamais découragé les plus audacieux. Résultat : des pertes humaines qui, depuis déjà 4 ans, se comptent par dizaines uniquement à Remada. «Onze passeurs ont trouvé la mort dans des courses poursuites avec les agents de la Douane et de l'Armée», selon les sit-inneurs de Remada décidés à trouver un boulot pour s'assurer des conditions d'une vie digne. Sans compter ceux qui meurent brûlés à bord de véhicules transportant des hydrocarbures. La vitesse excessive est derrière les accidents assez fréquents sur les routes peuplées de trafiquants de tout âge.