Généralement, les lois de finances ne sont bien soupesées qu'au lendemain de leur adoption, lorsque les langues se délient. Il n'empêche que la loi de finances 2019 s'est attachée à décrisper l'atmosphère et à concilier les contraires en cette année électorale qui s'annonce La loi de finances pour l'année 2019, qui a été adoptée confortablement lundi 10 décembre 2018, semble se distinguer, a contrario du regain de polémique à propos de la crise politique, par une destinée relativement consensuelle entre les divers groupes parlementaires dont la verve discursive a pourtant enregistré un regain d'intensité dans la perspective prochaine des élections législatives et présidentielles. Cela n'a pas empêché les avocats de monter au créneau à l'encontre de l'article 34 par une décision de grève pour protester contre son caractère «inconstitutionnel». Le bâtonnier de l'Ordre des avocats de Tunisie considère donc que cette LF est inconstitutionnelle et il a mis sur pied une commission d'experts qui coordonnera avec les députés pour établir cette inconstitutionnalité qui serait due à une mise en cause du secret professionnel et de la relation de confiance de l'avocat vis-à-vis de son client. A propos de la pertinence globale de la LF, l'homme d'affaires et vice-président de l'Utica, Hichem Elloumi, a de son côté également critiqué la nouvelle loi de finances, estimant qu'elle n'était pas aussi bonne qu'on le prétend. Il a considéré comme une importante erreur le fait que l'on ait voté en plénière une taxe qui n'a fait l'objet d'aucune discussion préalable en commission. De plus, il affirme qu'aucun impôt de ce type ne doit être calculé sur la base du chiffre d'affaires mais seulement sur celle des bénéfices de l'entreprise. Il s'agit ici de la taxe exceptionnelle de 1% qui sera prélevée auprès des entreprises pétrolières, des banques et assurances, des opérateurs télécom... Une taxe surprise qui a ravi les députés de gauche qui ne cessent d'appeler le gouvernement à «aller prendre l'argent là où il se trouve». Quant aux concessionnaires auto, ils se sont plaints d'au moins deux dispositions majeures : la taxe de 25% instaurée par la LF 2018 et une réduction de 20% des contingents de voitures sur l'année 2019 qui viserait à contenir l'importante hausse en devises pour couvrir le coût global des importations de véhicules automobiles. Un soutien qui a conduit à un petit assouplissement concernant les voitures FCR du «retour définitif», lesquelles pourront désormais être conduites par les enfants et les frères et sœurs du bénéficiaire. Il est à noter que l'Union tunisienne des professions libérales a affirmé, elle aussi, son rejet de cette loi de finances 2019 qu'elle qualifie de non-constitutionnelle, affirmant qu'elle est contraire aux réglementations des professions libérales en Tunisie et de par le monde et qu'elle encouragera davantage le marché parallèle, la contrebande et la fraude fiscale. Enfin, l'économiste Hakim Ben Hamouda, qui fut un temps ministre des Finances, a évalué cette loi comme manquant d'imagination. Le fait est cependant que les lois de finances ne sont bien soupesées qu'au lendemain de leur adoption, lorsque les langues se délient. Il n'empêche que celle-ci s'est attachée à décrisper l'atmosphère et à concilier les contraires en cette année électorale qui s'annonce.