On estime que 112 mille départs dans le secteur des technologies de l'information et de la communication ont été enregistrés durant la période 2011-2017 « Les raisons sont multiples : ras-le-bol, salaires peu motivants, qualité de vie, grève, médiocrité, administration, zéro rêve. Quelles solutions proposer ? Il faut agir pour que la Tunisie redevienne un pays où il fait bon vivre. On a besoin d'une politique ressources humaines du gouvernement pour valoriser les compétences», estime Kais Sellami, président de la Fédération nationale du numérique à l'Utica La fuite des compétences en Tunisie est devenue un constat amer d'une réalité économique qui tarde à se rétablir. Un constat, voire un phénomène qui a un impact visible sur les performances de plusieurs secteurs d'activités, que ce soit dans le public ou dans le privé. Médecins, ingénieurs, enseignants, chercheurs et autres, ils sont très sollicités à l'étranger et y trouvent leurs comptes en termes de salaires et de plans de carrière. Un thème qui a été fortement débattu lors de la conférence organisée hier par la Chambre nationale des SSII (Infotica) à l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica) et le Club DSI Tunisie (direction des services informatiques) sur «la fuite des compétences à l'ère du digital». Une enquête présentée par l'expert Mustapha Mezghani a montré que 112 mille départs ont été recensés sur la période 2011-2017 dans le secteur des TIC. Elle a été commanditée par les organisateurs et réalisée auprès de 137 entreprises, 34 DSI et 54 compétences. Un chiffre qui a un impact économique important. Or l'enquête l'estime à un chiffre additionnel perdu entre 5 et 12 MDT et des exportations additionnelles entre 2 et 4,5 MDT. M. Mezghani a affirmé que les raisons des départs sont essentiellement l'environnement du pays et la rémunération, outre l'environnement et les conditions du travail, le manque de perspectives et de plan de carrière et la politique de motivation au sein de l'entreprise. Cette fuite, devenue structurelle, dénote un malaise des compétences tunisiennes face à des entreprises qui ne sont plus attractives. Cela pose un problème d'attraction et de rétention de ces talents et compétences, selon Imed Elabed, président de l'Infotica, estimant que la responsabilité est partagée entre gouvernement et entreprises pour travailler sur une stratégie palliant cette problématique. Dans les classements mondiaux, l'ampleur du phénomène est assez alarmant, d'après Hatem Trigui. La Tunisie est classée 2e au monde arabe et 1ére dans le secteur des technologies de l'information et de la communication. Valoriser les compétences De son côté, Kais Sellami, président de la Fédération nationale du numérique à l'Utica, a affirmé que la Tunisie dispose de gisements de compétences qui se vident. « Les raisons sont multiples : ras-le-bol, salaire, ambiance de vie, grève, médiocrité, administration, zéro rêve. Quelles solutions à proposer? Il faut agir pour que la Tunisie redevienne un pays où il fait bon vivre. On a besoin d'une politique ressources humaines du gouvernement pour valoriser les compétences» a-t-il lancé. Anouar Maârouf, ministre des Technologies de l'information, de la Communication et de l'Economie numérique, a été très sollicité pour répondre aux interrogations des entreprises du secteur TIC. Mais voilà qu'il pointé du doigt les pratiques de certaines entreprises, rendant plus facile la fuite des compétences, en les orientant vers leurs filiales à l'étranger et aussi à leurs clients étrangers ou en facilitant leur détachement. Des pratiques qui accentuent plus le phénomène. De l'autre côté, il a souligné que la stratégie nationales de l'emploi comporte un axe sur l'emploi à l'étranger, se basant sur la priorité de l'employabilité des jeunes diplômés. Un retour difficile Selon le ministre, les causes de ce départ ont trait à une pénurie au niveau mondial, un manque de maturité digitale dans le pays, la présence d'une culture reliant le succès à l'étranger. «Pour cela, il est important de réviser le système de rémunération au sein des entreprises pour retenir ces compétences, accélérer la réalisation des grands projets dans le domaine digital afin de transformer nos administrations», a indiqué M. Maârouf. D'ailleurs, il a évoqué le rôle de l'Agence tunisienne de coopération technique (Atct), surtout que plusieurs compétences, notamment dans le domaine médical, sont recrutées via cette agence. En outre, il a précisé que la dynamique de transformation digitale devrait provenir des banques et des grandes entreprises, estimant qu'elle reste encore marginale en l'absence d'une vision. En revanche, l'enquête a fait ressortir des résultats intéressants en ce qui concerne les intentions de retour des compétences interviewées. Plus de 60% estiment qu'elles n'ont pas cette intention. De même, 34% seulement envisagent de créer leurs entreprises en Tunisie. Pour les entreprises, cela les met face à certaines difficultés, à savoir le remplacement de ces compétences, le frein au développement et une formation non rentabilisée.