La crue 2018 est bonne pour le cinéma tunisien. Que des films d'auteur. Œuvres ralliant publics et critiques. Primées qui plus est «Weldi» de Mohamed Ben Attia, «Akher wahed fina» de Alaeddine Slim, «L'amour des hommes» de Mehdi Ben Attia, «La belle et la meute» de Kaouther Ben Hnia ,le percutant «Subutex» de Nasreddine Shili, les lauréats de «Carthage», Le Caire et Marrakech, «Fatwa» de Mahmoud Ben Mahmoud et «Regarde-moi» de Néjib Belkadhi. La liste plaît, honore, réjouit. Elle se parachève, croyons-nous, avec le film de la regrettée Najoua Limam Slama, «Le pardon», qui sort en salles dès cet après-midi «Le pardon» ou («Samahni», ultime suggestion de la défunte) était le premier long métrage de Najoua Slama. Ce fut, hélas, son dernier. Triste «coïncidence» : la réalisatrice était atteinte du même mal fatal que Mostari des deux héros du film. A quelques semaines de la fin du tournage, la fiction se muait en «drame et œuvre d'une vie». Ne pas se méprendre, toutefois : le film de Najoua Slama ne vaut que par lui-même. Par son récit, sa thématique, son esthétique. Nullement par la compassion où l'empathie «personnelle» qu'il pourrait inspirer. Le récit est prenant, captivant. Histoire d'un juge corrompu, et d'un archéologue victime de son injustice. Le premier, rongé par le remord, ne trouvera jamais le repos. Le second, condamné par la maladie, accueille la mort, serein. La thématique, morale, psychologique, peut paraître «hors contexte», «hors temps». Déconnectée ? A voir. Le magistrat, corrompu, puis repenti, nous rappelle un peu à nous-mêmes. A la «schizophrénie» de notre révolution. L'archéologue, victime sereine, incarne l'innocence que nous appelons «inutilement» de nos vœux. Tout cela servi par un «filmage» simple, une narration subtilement rythmée, une musique saisissante de Riadh Fehri, un jeu d'acteurs sensible et maîtrisé (le Syrien Abed Fahd, Mohamed Ali Ben Jomaâ, Sawssen Maâlej, tous sans exception, chapo !) Najoua Limam Slama : une cinéaste douée qui nous a quittés tôt. Trop tôt. «Le pardon», un film qui laissera sa marque, sûrement.