S'il y a une initiative à vocation culturelle qui vise à décentraliser la culture en Tunisie et à l'exporter aussi loin que possible dans les régions, c'est bien celle de «Mechey wa Jey», conçue dans le cadre du projet «Tfanen–Tunisie Créative», soutenu par l'Union européenne et le ministère des Affaires culturelles. Bir Mchergua, Jerissa, El Krib, Bousalem, Sakiet Ezzit, Deguech ou Douz … Autant de localités situées dans les régions intérieures de la Tunisie se sont vues et se verront bénéficier du projet «Aller-retour», qui renforce le secteur culturel et le vivifie en ciblant les jeunes à coup de formations intensives, de promotions de créations et de créateurs et bien sûr, d'œuvres artistiques, toute discipline confondue. Le projet cible novices et professionnels du secteur puisqu'en premier lieu, il sert à résauter, à rapprocher différents acteurs culturels et à remédier à une situation alarmante liée à l'infrastructure des régions délaissées du pays, qui regorgent de talents. L'objectif de base est de cibler des jeunes rongés par la corruption, le chômage et de nombreux déboires et qui tiennent à vivre de leur art dans leur région. Selon les initiateurs, c'est faux d'affirmer qu'il n'y a que des jeunes qui veulent partir d'ici, il y a celles et ceux qui veulent rester malgré les aléas socioéconomiques de la Tunisie. « Aller-retour » tient à réinvestir des lieux voués à la culture initialement et de céder par la suite le flambeau aux jeunes de la région. Faire de ces régions un berceau de l'art La vision est de faire de ces régions un pôle artistique qui aurait la même portée, la même influence et qui serait tout aussi vif, et attractif qu'un autre situé du côté de la capitale ou sur une zone côtière. Voir naître des espaces pour l'art, oui, mais voir naître aussi des métiers de l'art afin de réduire le taux de chômage. Le projet est une aubaine également pour les formateurs et producteurs de renommée convaincus par la nécessité et l'impact d'un tel projet : Nawel Skandrani, Habib Belhédi, Lassaâd Ben Abdallah, Wafa Taboubi ou encore le jeune Achraf Ben Hadj Mbarek tiennent à sa concrétisation en appuyant leur formation et en présentant leurs œuvres à succès : «Ré-existence », «Au suivant », «Caprice» ou «Les veuves» sont et seront encore présentées dans quelques régions. Master class, concerts musicaux, cirques, danses, etc. ont donné un coup de fraîcheur aux maisons de jeunes. Tous les acteurs participant à ce mouvement artistique d'ampleur ont la conviction que tout acteur culturel doit être productif dans sa région pour arriver à sceller le schisme qui sépare la capitale et quelques régions privilégiées des autres régions de l'intérieur aux capacités artistiques toujours inexploitées. Trois régions ont d'ores et déjà été visitées : Dguech (Tozeur), El Krib (Siliana) et Bousalem (Jendouba) : le résultat est à la hauteur. Le challenge est maintenu : d'autres régions sont à visiter, à commencer par Djerissa, située aux environs du Kef. Des spectacles multidisciplinaires sont au programme et seront adaptés aux espaces déjà existants. Le producteur Habib Belhedi et la chorégraphe Nawel Skandrani, présents lors d'un point de presse, ne cachent pas leur enthousiasme et leur détermination à aller jusqu'au bout de cette démocratisation en cours de la culture aux quatre coins du pays. Des interventions d'artistes comme Mariem Sayah (Au suivant), ou Mouhieddine Ghazouani (Ré-existence) ont attesté de la réussite de ce défi : ils ont partagé leur expérience «jusqu'à maintenant réussie» et qui reste tout aussi enrichissante sur le plan personnel, social et humain.