La Tunisie n'a réussi à avancer que d'une place au classement mondial de l'indice de perception de la corruption dans le secteur public, présenté hier par l'organisation I Watch, point focal en Tunisie de l'ONG Transparency International. Avec 43 points seulement, la Tunisie gagne un point et grimpe péniblement à la 73e place sur 180 pays. Globalement, entre 2014 et 2018, la Tunisie est certes parvenue à se hisser de la 79ème place à la 73ème place, mais en termes de points obtenus, la Tunisie a très peu évolué (de 41 points à 43 points), et ce, malgré des progrès notamment en matière d'environnement juridique. «Personne ne nie que le classement importe, mais ce qui importe le plus, ce sont les points obtenus à la lumière de critères bien précis», explique Manel Ben Achour membre de I Watch. Cela voudrait dire que ce n'est pas nous qui faisons des progrès en matière de lutte contre la corruption, mais ce sont les autres pays qui reculent». La Tunisie n'a donc pas obtenu la moyenne de 50 points, et obtient un score semblable à celui du Maroc, mais meilleur que celui de l'Algérie voisin, qui lui, est à la 105ème place du classement. La Tunisie est cinquième dans le monde arabe loin derrière les Emirats Arabes Unis, premiers du monde arabe et 23ème à l'échelle mondiale. L'indice de perception de la corruption dans le secteur public se base principalement sur les avis d'experts, d'hommes d'affaires et d'opérateurs économiques divers et s'appuie également sur des rapports internationaux à l'instar de celui élaboré par l'organisation Bertelsmann Stiftung. La justice à la traîne Ces résultats jugés «mauvais» par I Watch viennent à un moment où la Tunisie semblait avoir franchi des pas importants en matière de lutte contre la corruption, notamment avec l'adoption au Parlement d'une série de lois relatives à la lutte contre la corruption. La loi sur la dénonciation de la corruption et la protection des dénonciateurs a été adoptée en mars 2017 ou encore la loi sur la déclaration de patrimoine votée en 2018, sont autant de textes législatifs salués par les ONG nationales et internationales comme un pas en avant dans la lutte contre la corruption. Le président de I Watch, Achref Aouadi, explique cette trop faible évolution par le fait que la justice en Tunisie reste un maillon essentiel manquant qui plombe le dispositif anticorruption. «Quand le pouvoir judiciaire rejoindra-t-il la guerre contre la corruption ?», se demande Achref Aouadi. Contrairement aux idées reçues, pour les investisseurs étrangers et les chancelleries étrangères, la condamnation et la mise au jour de scandales financiers ou de corruption n'est pas le signe d'une augmentation de la corruption, mais au contraire cela indique que «le dispositif anticorruption fonctionne bien». «Or, estime Achref Aouadi, dans les principales affaires de corruption, la justice n'a pas tranché». A titre d'exemple, le président de I Watch cite ALSTOM, déjà condamnée en Grande Bretagne, alors qu'en Tunisie, la justice traîne encore. «Malgré la mise en place du Conseil Supérieur de la Magistrature, le pouvoir judiciaire n'a pas encore compris qu'il est totalement indépendant de l'exécutif». Dans son rapport, Transparency International a estimé que la région du Moyen-Orient-Afrique du Nord continue à souffrir de la corruption encouragée par la faiblesse institutionnelle et un recul des droits politiques. Le score réalisé par la région MENA ne dépasse pas les 39 points. Globalement, Transparency International considère que l'Indice de perception de la corruption de cette année révèle que «l'échec continu de la plupart des pays à contrôler de façon significative la corruption contribue à une crise de la démocratie dans le monde entier». «La corruption dissipe la démocratie pour créer un cercle vicieux où la corruption mine les institutions démocratiques et, à son tour, les institutions faibles sont moins en mesure de contrôler la corruption», résume Patricia Moreira, directrice exécutive de Transparency International.