La deuxième édition de la conférence internationale Financing Investment & Trade in Africa, Fita 2019, s'est tenue les 5 et 6 février sur le thème « Pour une accélération du commerce et des investissements interafricains». Organisée par l'association Tunisia–Africa Business Council (Tabc), cette manifestation a enregistré la participation de nombreuses personnalités du monde des affaires entre les institutions financières panafricaines et internationales, des investisseurs, des économistes, des ministres, des décideurs africains… Pendant les deux dernières décennies, la Tunisie était absente du continent et les chiffres font, aujourd'hui, mal : notre pays ne réalise avec l'Afrique (notamment l'Afrique subsaharienne) que 4% du total de ses exportations. C'est de ce constat et de cette réalité amère ainsi que douloureuse que naît la Tabc avec comme objectif principal d'intensifier les efforts pour promouvoir une stratégie africaine de la Tunisie afin d'accroître le rayonnement de notre pays sur le continent noir. C'est avec ces mots que le président de Tabc, Bassem Loukil, a résumé les défis qui s'imposent à l'heure actuelle où tous les regards sont tournés vers l'Afrique. Des contraintes, oui, mais dans quelle mesure ? Loukil indique que pour développer cette stratégie africaine, il faut dépasser certaines contraintes qui ont été identifiées et sur lesquelles il faut intensifier le travail. Il est indispensable de renforcer la présence diplomatique tunisienne en Afrique. Ceci doit être une priorité absolue. «Il faut encourager tout l'effort qui se fait dans ce sens car la Tunisie a tout intérêt à renforcer sa présence diplomatique à l'échelle africaine», précise-t-il. Il y a, également, le chantier du transport et de la logistique qui nécessite un travail sérieux. Malgré les problèmes que rencontre le transporteur aérien, ce dernier essaie d'ouvrir de nouvelles dessertes sur le continent. « La stratégie annoncée par la compagnie aérienne va reprendre en 2019 sous de meilleurs auspices, notamment avec le redressement de la situation de Tunisair», souligne-t-il. Idem pour le transport maritime ; avec la nouvelle ligne maritime commerciale directe qui partirait de Gabès vers Dakar (Sénégal), Abidjan (Côte d'Ivoire) et Tema (Ghana), les entreprises tunisiennes auraient un accès régulier au marché africain. Le troisième pilier de cette stratégie est le financement. Le rapprochement avec le continent ne peut se concrétiser qu'après avoir résolu le problème qui se pose à beaucoup d'entreprises: comment financer nos échanges et nos investissements en Afrique malgré toutes les contraintes au niveau du système bancaire et de la réglementation des changes, avec l'absence d'un réseau bancaire proprement dit tunisien sur le continent à l'exception des efforts qui sont consentis par Attijari Bank, la STB et la BH. «La Tunisie reste un pays ‘'sous-banqué'' sur le continent africain. Mais les solutions ne manquent pas. Aujourd'hui, il y a des institutions financières panafricaines qui apportent des solutions efficaces et adaptées à chacune de ces problématiques. A partir de ce point, on démarre l'effervescence et la renaissance de tout le continent africain», affirme Loukil. Il ajoute que 40% des ressources naturelles de la Terre existent en Afrique qui était toujours un continent des dons et des dettes mal exploités. Cette politique a fait de l'Afrique un fardeau à l'échelle mondiale, malgré le potentiel qui y existe. «A l'heure où les autres continents créent des pôles économiques (en Europe, en Asie, en Amérique du Nord…) et s'unissent, l'Afrique s'est recroquevillée. C'est pourquoi il est plus que jamais temps de mettre la main dans la main pour exploiter cette nouvelle richesse, construire ensemble une nouvelle économie et assurer le développement intra-africain pour nos futures générations. Pour bâtir ce nouveau modèle, il faut changer de vision et croire en l'avenir africain», explique-t-il. Quatre défis économiques de l'Afrique Pour sa part, Zied Ladhari, ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale, indique que le continent peine à prendre sa place et à émerger malgré le potentiel qui y existe et qu'il faut valoriser. Face à cette situation, quatre défis économiques s'imposent. Il s'agit tout d'abord d'un défi d'image qui persiste depuis un bon moment. L'Afrique est un continent qui a été associé à des difficultés et des crises parfois humanitaires. C'est un continent qui peine à montrer son potentiel et son positionnement au niveau international. C'est aussi un continent jeune avec des ressources extraordinaires et où il existe un potentiel de développement énorme dans tous les secteurs pour faire de l'Afrique un véritable acteur mondial. « Cette prise de conscience de l'importance de ce continent qu'on est en train d'avoir aujourd'hui en Tunisie et ailleurs est un pas à saluer. C'est le préalable sur lequel on pourrait construire cette ambition africaine. L'objectif visé est d'améliorer la perception globale de ce continent pour drainer davantage d'investissements et stimuler la croissance économique dans nos pays », précise le ministre. Le deuxième défi est celui de l'intégration régionale. Ladhari affirme que l'Afrique est le continent le moins intégré au niveau mondial. Seulement 13% de notre commerce est intra-africain alors qu'en Europe, 60% du commerce est intra-européen. De même en Asie (plus de 50%) et l'Amérique du Nord (40%). « Ces chiffres alarmants devraient nous inciter à réfléchir à des solutions concrètes et radicales pour le défi de l'intégration régionale. Malheureusement, il existe des écarts forts entre le potentiel d'intégration régionale en matière de commerce et la réalité qu'on affronte. Il faut réfléchir sur les moyens d'avancer ensemble sur ce chantier car le développement de l'investissement et du commerce interafricains signifie la création d'emplois, le développement des opportunités économiques, le développement économique et social, de meilleures perspectives pour nos sociétés et pour nos peuples... », explique-t-il. S'agissant du troisième défi, c'est l'investissement qui reste à des niveaux assez faibles (il est au-dessous de 20% du PIB pour la plupart des pays africains). La dynamique qui est en cours en matière d'investissement (même si elle est importante puisqu'on a enregistré 42 milliards de dollars d'IDE en 2017) est en baisse par rapport à 2016 (plus de 52 milliards de dollars). Il y a également des opérations de fusion et d'acquisition intra-régionales qui ont été doublées pendant ces dernières années passant de 238 en 2006 à 418 opérations en 2016. Donc, il y a une tendance à la croissance de nos entreprises qui prennent une taille de plus en plus importante et souvent une taille continentale. «Sans investissement, on ne pourra pas générer les opportunités dont nos économies ont besoin et créer les postes d'emploi tant attendus par notre jeunesse», indique-t-il. Quant au dernier défi, il s'agit des réformes. Il est indispensable d'améliorer le climat des affaires, de développer des institutions fortes, d'assurer la bonne gouvernance de l'Etat de droit... Le ministre indique que les pays africains sont restés boudés par les investisseurs. D'où la nécessité d'éliminer tous les obstacles devant le commerce et l'investissement pour pouvoir mobiliser davantage de ressources financières importantes, cibler les interventions des différentes institutions financières, asseoir la crédibilité du continent auprès des instituions financières internationales… «On doit faire rêver ces jeunes en leur offrant les meilleures perspectives et opportunités économiques d'inclusion financière et économique», souligne-t-il.