Les déclarations de Rached Ghannouchi sur la possibilité d'un remaniement gouvernemental avant les élections ont provoqué une vague de réactions au sein de la classe politique, des médias et des réseaux sociaux, ainsi qu'à l'intérieur du cercle des dirigeants de premier plan d'Ennahdha. La légitime question qui se pose est, ici, de savoir quelles seraient les motivations de l'éventualité, tout à fait inattendue, qu'avance le président du parti islamiste, alors même que tout sur la scène politique se passe comme il l'avait souhaité Deux faits retiennent, au préalable, l'attention, c'est que Chahed et Ghannouchi viennent d'avoir, ces derniers jours, un tête-à-tête discret, et que le politologue d'Ennahdha, Ajmi Ourimi, a publié, tout récemment, un long article d'analyse à propos du possible recours à un gouvernement de technocrates indépendants pour diriger le pays lors des élections. Alors que Ali Laârayedh a vite déclaré son attachement à l'impératif de «stabilité politique» par lequel Ennahdha avait argumenté son soutien à Youssef Chahed, les politiques de divers courants et les observateurs se sont lancés dans des commentaires désordonnés de première impression mal assurés qui partent dans tous les sens. Un simple avertissement ? Certains considèrent qu'il pourrait s'agir d'un avertissement à l'adresse de Youssef Chahed, lui rappelant à tout moment que ce n'était pas lui qui avait amené Ennahdha au gouvernement. Mais cette bulle lancée par Ghannouchi peut être tout simplement une réédition du choix qu'il avait proposé à Chahed entre briguer la présidence et rester à la tête du gouvernement. La troisième possibilité serait qu'il s'agit d'un scénario convenu qui pourrait permettre à Youssef Chahed, qui y songe déjà à quitter de lui-même en vue d'organiser son parti et de préparer les élections législatives ou même la présidentielle. Certains analystes privilégient plutôt la volonté d'Ennahdha de faire baisser la pression autour d'elle et pourquoi pas y compris de la part du président de la République et du Front populaire. Renforcer la crédibilité des élections Maintenant que l'Isie est fin prête et que la voie vers les élections semble tracée, Ennahdha pourrait, également, se soucier de renforcer la crédibilité des scrutins présidentiels et législatifs en faisant en sorte que les élections se déroulent sous un gouvernement non impliqué dans la compétition. Ces hypothèses et bien d'autres investissent les réseaux sociaux et alimentent les joutes oratoires desdites «milices facebookiennes». La prudence suggère d'attendre la réaction des protagonistes majeurs de la scène politique et d'abord celle de Youssef Chahed et celle du président de la République.