Par Larbi DEROUICHE L'émission de Hamza Balloumi (El Hiwar Ettounsi) est, de l'avis de tous, en train de faire du beau travail journalistique et de marquer des points dans l'audimat. Le succès devait atteindre son point culminant lors de la médiatisation de l'affaire de la pseudo école coranique de Regueb. Le feu aux trousses… Affaire qui a scandalisé et ému toutes les couches du peuple tunisien, à l'exception des sympathisants marginaux du terrorisme. Cette affaire, ayant permis de démanteler d'autres réseaux sévissant dans les profondeurs du pays, a astreint les locataires de Carthage, de la Kasbah et du Bardo à prendre leurs responsabilités et endiguer ce fléau dévastateur, malgré les forces occultes et obscurantistes, tirant obstinément vers l'arrière la machine de la légalité et du salut. Les instances nationales de protection de l'enfance, de défense des droits de l'Homme, de lutte contre la traite des personnes, dans un bel élan de solidarité agissante, se sont activées à qui mieux mieux ont couru, volé au secours des malheureux dindons de la farce, trahis par le sort et jetés dans l'abîme et dans la gueule du loup, par les leurs, ayant vendu le produit de leur chair à vil prix ! Quand le sensationnel mène à la bavure Cela dit, l'objectif de nos propos n'est pas juste de faire encore plus d'éloges bien mérités sur l'audacieuse équipe de l'émission. Qui a eu déjà le plein de compliments, à commencer par ceux du maître de Carthage. Mais d'attirer son attention sur une bavure d'une extrême gravité, commise dans l'émission de jeudi dernier. Elle concerne l'une des quatre vérités ayant braqué les feux des projecteurs sur un genre de marijuana peu familier dans nos murs. Il est baptisé «El Arbia» par la faune des adeptes invétérés du «kif». Tandis que nos vieux ancêtres le désignaient par le nom de «sikrane». Cette plante médicinale était, à l'époque, utilisée pour calmer les douleurs aiguës, en l'absence évidemment d'industrie pharmaceutique. Le tort de ladite émission, c'est d'être allé trop loin en besogne, en s'attardant sur des détails qui pourraient provoquer la tentation de beaucoup de jeunes et moins jeunes, fragilisés par leur situation sociale et à la recherche d'un faux bien-être du reste fatal! La recette de la déroute ! L'enquête a permis de guider le téléspectateur sur l'origine des semences. Et de localiser l'endroit précis où l'on peut s'en procurer à volonté. Avis donc aux amateurs et même aux non amateurs que la curiosité de vivre quelques instants dans un monde inconnu pourrait conduire au monde de l'inconduite et de la déroute! Le bel ami à distance et maître de l'émission serait donc bien inspiré s'il tirait la leçon de ce faux pas et cette maladresse, en faisant de la manière professionnelle, qu'on lui reconnaît, de l'autocensure, la bonne cette fois-ci. Pour que de si judicieuses investigations ne passent pas à côté de la plaque ! La «bonne» recette ! Tenez, pour la petite histoire et dans le même ordre d'idées, je garde le souvenir d'un événement presque similaire. Celui-ci s'est produit dans les années 70. A l'époque où Ben Ali, alors directeur général de la Sûreté nationale, faisait la pluie et pas forcément le beau temps. Une retentissante et vaste affaire d'escroquerie, de faux et usage de faux, ayant fait des centaines de pigeons, avait été, à l'époque, brillamment démantelée par ses troupes. Et, comme Zaba avait l'habitude d'être curieusement discret, se méfiant toujours des apparitions médiatiques — pour des raisons qu'on a fini par savoir —, il a tôt fait de charger l'un de ses plus proches collaborateurs de tenir une conférence de presse. Dans un grand bureau archicomble de journalistes, représentant presque tous les organes de la presse écrite, le haut fonctionnaire se mit à éclairer l'assistance sur les péripéties de cette scabreuse affaire, se permettant de débiter dans leurs mini-détails les procédés diaboliques utilisés par le réseau. Tout le beau monde de céans prenait studieusement note de tout ce qu'on lui disait, sans exception. On n'est pas des perroquets ! Seuls deux ou trois journalistes ont interrompu la transcription, se contentant de se regarder, éberlués et scandalisés par ces incroyables détails, livrés par l'orateur ! Quelles ne furent la surprise et la colère du directeur général, ayant eu vent de la grave maladresse de son lieutenant ! Une équipe d'officiers a été chargée de parcourir plus vite que le vent toutes les rédactions, pour éliminer le passage en question, livrant la «bonne» recette aux âmes mal nées. Au journal La Presse, les visiteurs nocturnes n'ont eu, bien sûr, rien à censurer. L'autocensure ayant été déjà faite en amont. Ce qui a valu de chaleureux compliments et félicitations aux rares journaux, obéissant aux sacro-saintes règles de la profession. Moralité de l'histoire : le journaliste n'est pas un perroquet qui répète aveuglément ce qu'on lui dit, car, parfois le non-dit vaut mille fois plus que ce qui pourrait être dit.