Dans le contexte actuel de mondialisation, disposer de mesures sanitaires permettant de prévenir et contrôler les maladies animales est fondamental pour protéger la santé et le bien-être animal, ainsi que la santé humaine, l'économie et le bien-être social des populations. L'agriculture est un secteur stratégique et un des piliers de l'économie nationale, de par sa contribution à la sécurité alimentaire, à la garantie de nos sources de revenu à la population rurale, ainsi que par l'équilibre de la balance commerciale grâce aux exportations. L'un des sous-secteurs agricoles qui présente un fort potentiel pour l'économie nationale est l'élevage qui a une grande importance économique et sociale. Cette branche contribue à hauteur de 38% de la valeur ajoutée de la production agricole et assure 22% de la main-d'œuvre du secteur agricole. Malgré son importance, cette activité fait face, aujourd'hui, à un défi aux multiples facettes : comment peut-on avoir des animaux en bonne santé pour une vie meilleure à l'heure où plus de 20% des pertes de la production animale sont liées aux maladies animales ? Prévenir plutôt que guérir ! D'après Samir Bettaïeb, ministre de l'Agriculture de la Pêche et des Ressources hydrauliques, la Tunisie et tout le continent africain font face, aujourd'hui, à un contexte international complexe où la mondialisation et les changements climatiques contribuent à des flambées des maladies animales à fort impact socioéconomique qui peuvent avoir une incidence directe sur la santé humaine et affecter, par la suite, la sécurité alimentaire et nutritionnelle ainsi que la production et le commerce liés à l'élevage. «Ces maladies constituent une menace sérieuse pour l'élevage, en particulier dans les pays en développement, ayant des ressources humaine et matérielle modestes pour lutter contre elles», a indiqué Bettaïeb, lors de la 23e Conférence de la Commission régionale de l'OIE pour l'Afrique qui s'est tenue pour la première fois en Tunisie. Pour assurer une santé animale, une bonne alimentation et une meilleure production animale, les services vétérinaires contribuent à la lutte contre les maladies animales à fort impact socioéconomique. Ils jouent un rôle primordial dans la préservation du cheptel national, la protection de la santé humaine et la garantie de la sécurité sanitaire du commerce des animaux et de leurs produits. «Il n'est pas sans intérêt de rappeler que pour avoir une santé animale, il faut prévenir plutôt que guérir», souligne le ministre. Pour le développement des exigences techniques des attentes du consommateur et des opportunités des échanges commerciaux, les services vétérinaires doivent être performants afin d'apporter une réponse efficace capable de répondre aux besoins des acteurs concernés. A cette fin, les services vétérinaires tunisiens ont bénéficié depuis leur création de l'outil PVS d'évaluation des performances des services vétérinaires de l'OIE (Organisation mondiale de la santé animale). Les rapports de mission d'évaluation PVS ont été au cœur de la stratégie nationale des services vétérinaires à l'horizon 2030 qui a été élaborée avec l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Pour accompagner la mise en œuvre de cette stratégie, la Tunisie souhaite se doter des moyens nécessaires pour atteindre les objectifs fixés. A cet effet, le Centre national de veille zoosanitaire (Cnvz), qui est un centre collaborateur de l'OIE pour la formation continue et le renforcement des capacités des services vétérinaires se charge de collecter et d'analyser les données épidémiologiques, les informations, les publications, les réglementations nationales et internationales relatives à la santé animale et à la santé publique vétérinaire et d'en diffuser des informations pertinentes et fiables aux organismes et ministères concernés en vue d'une prise de décision adéquate, tout ceci, moyennant une veille stratégique couvrant les domaines suivants: veille zoosanitaire, veille scientifique et veille réglementaire. D'autres préoccupations majeures Les services vétérinaires tunisiens se sont aussi engagés dans des efforts régionaux et dans la stratégie mondiale de lutte contre les maladies animales prioritaires. A ce niveau, le ministère de l'Agriculture a élaboré depuis avril 2018 une stratégie nationale pour la lutte contre la peste des petits ruminants (PPR), qui s'inscrit dans le cadre de la stratégie mondiale mise en place pour l'éradication de cette maladie à l'horizon 2030, étant donné que cette maladie est très répandue, virulente et dévastatrice ayant un impact significatif sur l'économie, la sécurité alimentaire et les moyens de substance des éleveurs. La PPR est considérée comme l'une des maladies animales les plus graves en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. En Tunisie comme dans les autres pays du Maghreb, les petits ruminants jouent un rôle déterminant dans les moyens d'existence, la formation du revenu, la nutrition et la sécurité alimentaire de millions d'éleveurs et consommateurs. «Il est temps de réunir tous les efforts pour élaborer une stratégie maghrébine de lutte contre la PPR avec comme objectif ultime l'éradication de cette maladie à l'horizon 2030», affirme Bettaïeb. L'autre préoccupation du ministère est la rage, considérée par l'OIE comme l'une des priorités mondiales, régionales et nationales. Chaque année, cette maladie fait entre 55.000 et 70.000 victimes dans le monde. Plus de 95% des cas sont causés par des morsures de chiens infectés. L'année dernière, cette maladie a fait trois victimes en Tunisie avec un objectif de zéro victime à l'horizon 2030. Les efforts se sont multipliés pour atteindre cet objectif : pour l'année 2018, des dons réguliers de vaccins antirabiques (300 mille vaccins) ont été consacrés à la Tunisie pour éradiquer cette maladie. «Nos services ont reçu le prix de la meilleure célébration de la Journée mondiale de la lutte contre la rage pour l'année 2018, décerné par l'Alliance mondiale pour le contrôle de la rage. Pour soutenir et appuyer ces efforts, la vaccination des animaux ainsi que le contrôle des populations de chiens devraient être renforcés pour atteindre l'objectif mondial d'élimination de la rage humaine à l'horizon de 2030, un objectif réaliste et parfaitement réalisable, puisque historiquement déjà atteint», a conclu le ministre. Quelle stratégie pour le bien-être animal ? La Tunisie vient d'élaborer une stratégie nationale des services vétérinaires pour la décennie à venir. Malek Zrelli, directeur général des services vétérinaires relevant du ministère de l'Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, indique que la stratégie 2018-2030 des Services vétérinaires en Tunisie, conçue en collaboration avec la l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), vise à améliorer la performance des SV sur des bases scientifiques et conformément aux normes internationales. «Pour l'instant, la Tunisie est le seul pays africain qui a entamé cette procédure de planification stratégique. On a présenté la méthodologie, l'approche et les résultats et invité nos collègues à s'associer et à ‘'prendre l'exemple'' de la Tunisie pour adopter cette approche stratégique… C'est, aussi, une stratégie spécifique à la Tunisie, mais la méthodologie ainsi que l'approche pourraient être suivies par d'autres pays. Ce qui caractérise ce travail, c'est qu'on est passé d'une approche classique (la stratégie maladie) à une stratégie plus globale intégrée (stratégie des services vétérinaires) », précise-t-il, dans une déclaration accordée à La Presse, en marge de la 23e Conférence de la Commission régionale de l'OIE pour l'Afrique. Zrelli ajoute que l'accompagnement du développement économique de la Tunisie nécessite des ressources humaines compétentes, une infrastructure adéquate, une collaboration fructueuse avec tous les acteurs et un système de planification avec suivi-évaluation. D'où l'idée d'élaborer cette stratégie qui admet une vision simple, réalisable et ambitieuse et qui vise à offrir des services vétérinaires performants pour une meilleure sécurité alimentaire en Tunisie. « L'objectif stratégique est d'assurer une meilleure contribution des services vétérinaires à la sécurité alimentaire et au développement durable du pays », indique-t-il. Pour atteindre cet objectif, le DG des services vétérinaires a fixé trois axes stratégiques, à savoir : lutte contre les maladies animales, protection de la santé publique vétérinaire et promotion des échanges commerciaux des animaux ainsi que des produits d'origine animale. « Le professionnalisme, la bonne gouvernance et l'engagement sont les trois valeurs qui guident notre stratégie », souligne-t-il.