Par Soufiane Ben Farhat Franchement, sans blague, on ne peut dans des affaires aussi graves se payer la tête du monde entier. L'ancien président américain George W. Bush récidive. Il nargue tout le monde, persiste et signe. Témoin, son livre autobiographique, Decision Points, paru cette semaine. Des bonnes feuilles en ont été publiées dans plusieurs médias. L'ex-chef de la Maison-Blanche s'y vante d'avoir autorisé la pratique de la noyade simulée dans les interrogatoires de présumés terroristes par la CIA. Déjà, l'ex-vice-président Dick Cheney avait affirmé en février dernier qu'il avait été "un chaud partisan de la noyade simulée". L'aveu est la reine des preuves. Soit. Mais pour Bush, il s'agirait tout simplement "d'interrogatoire amélioré". Ce n'est donc point de la torture. Pourtant c'est bel et bien de torture qu'il s'agit. Cela ne fait guère de doute. Tous en conviennent, l'administration américaine sous Bush et l'actuelle président en prime; aussi bien les experts internationaux et tribunaux étrangers, que les instruments pertinents de la légalité internationale. Cela tombe mal pour l'Administration Obama. Jusqu'ici, elle a catégoriquement refusé d'ouvrir le dossier de la responsabilité des membres de l'Administration Bush dans l'utilisation de la torture. M. Obama a même affirmé qu'il ne poursuivrait pas le personnel de la CIA coupable de torture. A l'entendre, ils agissaient sous l'autorisation du ministère de la Justice. Et ce dernier leur avait allégué que la noyade simulée n'était pas de la torture.Les faits sont graves. Human Rights Watch a recensé 350 cas de torture et de mauvais traitements de détenus. Pas moins de 600 militaires et civils américains y ont trempé. La convention des Nations unies contre la torture et autres traitements inhumains et dégradants oblige les Etats-Unis d'Amérique, qui en sont signataires, à poursuivre les responsables de torture. Plusieurs instances associatives américaines exigent que la règle de droit soit de mise. Ainsi en est-il du National religious campaign against torture, qui regroupe 290 Eglises. Il y a aussi la constitution d'une commission d'enquête spécifique. Il n'hésite par ailleurs pas à accuser l'ex-Président d'avoir "violé la loi américaine et internationale". Mais Bush et ses conseillers s'en soucient visiblement comme d'une guigne. Ils prennent à témoin leurs élucubrations sur "l'interrogatoire amélioré" pour blanchir la torture. On aura tout vu. Qui plus est en vieille démocratie libérale. Pourtant, dans le jargon politique et idéologique américain, les "bad guys" semblent toujours de l'autre côté. Du côté de la Russie, de la Chine et des pays arabes et islamiques de préférence. Comme au temps de la guerre du Vietnam, les guerres d'Afghanistan et d'Irak ont ramené les Etats-Unis d'Amérique à l'âge de pierre. Sur le plan de la souveraineté des institutions, du respect de la démocratie et des droits de l'Homme s'entend. On agite volontiers l'épouvantail des droits de l'Homme tout en foulant aux pieds les droits de l'humanité. Et il se trouve toujours des techniciens en légitimation pour asséner de bien alambiquées trouvailles en guise de justificatifs et cache-misère. Comme cette sortie de prétendus "interrogatoires améliorés" pour parler de réelles pratiques de torture. Cette espèce d'attentat permanent contre la justice et le bon sens est grave de conséquences. Si le pays le plus puissant de la planète se met à enfreindre la norme universelle et torturer systématiquement et à tour de bras, que dire d'autres pays? Il reste que les exercices contorsionnistes de George W. Bush sur la pratique de la noyade simulée constituent un moyen de preuve irréfutable à son encontre. Tant la justice américaine que des tribunaux dans divers pays du monde pourraient bien s'en saisir en vertu notamment de la fameuse règle de la compétence universelle. Pour ce faire, trois conditions s'imposent: l'existence de victimes qui ont la qualité pour agir et l'épuisement de toutes les voies de recours à l'intérieur des Etats-Unis d'Amérique. Les victimes, il y en a à foison. Les voies de recours américaines sont forcloses d'emblée. A se demander si en se vantant d'avoir autorisé la pratique de la noyade simulée en guise de prétendus "interrogatoires améliorés" Bush ne joue pas avec le feu.