PEKIN/SEOUL (Reuters) — La Chine a plaidé avec insistance pour l'apaisement entre les deux Corées hier, redoutant que la tension croissante n'échappe à tout contrôle au moment où la marine sud-coréenne entame des manœuvres en mer Jaune en utilisant des munitions réelles. Le Président chinois, Hu Jintao, affirme que "si la situation actuelle n'est pas gérée convenablement, les tensions pourraient continuer de croître dans la péninsule coréenne et échapper à tout contrôle". Ce commentaire de Hu Jiantao, relayé dans un communiqué sur le site internet du ministère chinois des Affaires étrangères, intervient alors que les Etats-Unis réunissaient hier à Washington leurs alliés japonais et sud-coréen pour des entretiens auxquels Pékin n'a pas été convié. Le Président Barack Obama s'est toutefois entretenu de la situation avec son homologue chinois lors d'une conversation téléphonique et lui a demandé "d'adresser à la Corée du Nord le message clair que ses provocations sont inacceptables". Hu Jintao juge, de son côté, que "le plus important actuellement est de gérer calmement cette situation", la Chine exprimant ses "profonds regrets" après les tirs d'artillerie de l'armée nord-coréenne qui ont fait quatre morts sur l'île sud-coréenne de Yeonpyeong, il y a 13 jours. "Il faut détendre la situation et non lui donner un tour irréversible. Nous avons besoin de dialogue, non de confrontation, de paix et non de guerre", a déclaré Hu Jiantao lors de sa conversation téléphonique avec Obama. "La Chine profondément inquiète" Pays hôte des négociations du groupe des Six sur la dénucléarisation de la Corée du Nord, Pékin craint d'apparaître comme soutenant d'une manière trop évidente son allié de Pyongyang, très largement isolé sur la scène internationale. "Cet appel téléphonique peut constituer une tentative pour dissiper l'impression que la Corée du Sud, les Etats-Unis et le Japon se trouvent face à la Chine et la Russie sur la question de la Corée du Nord", explique Sun Zhe, directeur du Centre pour les relations américano-chinoises à l'Université Tsinghua de Pékin. "La Chine est profondément inquiète de la situation dans la péninsule car si un conflit de grande ampleur se déclarait à sa frontière, elle serait confrontée à des problèmes politiques et stratégiques gigantesques", juge Shi Yinhong, directeur du Centre des études américaines de l'Université de Renmin. "Je ne peux pas dire que cet appel téléphonique représente une tentative désespérée de la part de la Chine mais elle met en lumière le sentiment d'urgence des Chinois face à la situation", ajoute Shi Yinhong. Malgré l'insistance américaine, les dirigeants chinois semblent tarder à faire pression sur la Corée du Nord et refusent pour l'instant de désigner un responsable dans l'incident de Yeonpyeong. Un projet de communiqué qui devrait être publié après la rencontre des ministres des Affaires étrangères sud-coréen, japonais et américain à Washington précise que les trois pays souhaitent que la Chine intervienne pour obliger la Corée du Nord "à respecter ses engagements établis lors des négociations à six" ou à abandonner son programme d'armement nucléaire. Selon la chaîne de télévision NHK, le communiqué condamnerait également l'attaque contre Yeonpyeong. Dans ce contexte, la marine sud-coréenne a entamé hier des manœuvres en faisant usage de munitions réelles, bravant les mises en garde adressées par la Corée du Nord contre l'"entêtement" à risquer le déclenchement d'une guerre. L'armée sud-coréenne a précisé que ces exercices devaient se dérouler à proximité de la Ligne de démarcation maritime (NLL) avec le Nord. La Corée du Nord avait justifié ses tirs d'artillerie contre Yeonpyeong le mois dernier en affirmant que l'armée du Sud avait ouvert le feu dans ses eaux territoriales. C'est la première fois depuis la fin du conflit coréen en 1953 que des zones civiles sont touchées sur le territoire de la Corée du Sud.