SEOUL (Reuters) — La Corée du Nord a prévenu hier qu'elle frapperait à nouveau la Corée du Sud si Séoul effectuait comme prévu des manoeuvres militaires avec des munitions réelles, rapporte l'agence de presse officielle nord-coréenne Kcna. "Si (le Sud) persiste à effectuer des tirs à partir de l'île de Yeonpyeong malgré les avertissements de notre armée, notre armée effectuera des frappes défensives conformément à ce que nous avons déclaré précédemment", écrit Kcna. Ces frappes seraient plus fortes que les tirs d'artillerie effectués fin novembre sur cette même île de Yeonpyeong, qui ont fait quatre morts, ajoute l'agence nord-coréenne. La Corée du Sud a prévu quatre jours de manœuvres militaires, à compter de demain, sur cette île située à l'ouest de la péninsule. L'armée sud-coréenne envisage notamment de procéder à des tirs réels d'artillerie. La Russie a demandé hier à Séoul de renoncer au projet de manœuvres à munitions réelles en mer Jaune. "La Fédération de Russie demande à la République de Corée de s'abstenir d'organiser des exercices d'artillerie, afin d'empêcher une nouvelle escalade de la tension dans la péninsule de Corée", a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères. Un peu plus tard, le même ministère a convoqué les ambassadeurs de Corée du Sud et des Etats-Unis en poste à Moscou pour leur faire part de son "extrême préoccupation" face à la perspective d'exercices de tirs à munitions réelles. Le vice-ministre russe des Affaires étrangères Alexeï Borodavkine, qui a reçu les deux ambassadeurs, a "exhorté avec insistance la République de Corée et les Etats-Unis à s'abstenir d'effectuer les exercices de tirs prévus". Séoul avait annulé tout exercice d'artillerie aux alentours des îles proches de la ligne de démarcation Nord — la frontière maritime contestée entre le Nord et le Sud — après le pilonnage de Yeonpyeong. L'île est au sud de la ligne de démarcation fixée par l'Onu après l'armistice de la guerre de 1953 mais, selonPyongyang, dans les eaux territoriales nord-coréennes. Lors de l'incident du 23 novembre, les Nord-Coréens avaient affirmé avoir pilonné la petite île en riposte à des actes hostiles de la Corée du Sud. Les autorités de Séoul avaient indiqué que l'une de ses unités d'artillerie, basée sur cette île, avait procédé à des exercices de tirs avant les bombardements du Nord, mais Séoul avait assuré que les canons n'avaient pas été pointés en direction du Nord. Baek Seung-joo, expert de l'institut coréen pour la défense, ne croit pas que la Corée du Nord mettra ses menaces à exécution, à moins qu'elle ne décide de s'engager dans un conflit ouvert. "Le plus probable, ajoute-t-il, c'est qu'ils cherchent à sauver la face, par des tirs d'artillerie près de la zone contestée par exemple." Ce regain de tension intervient alors que la Chine, principal allié de Pyongyang, a souhaité une coopération accrue avec les Etats-Unis sur la péninsule coréenne, à l'occasion d'une visite à Pékin du secrétaire d'Etat américain adjoint James Steinberg. Parallèlement, Bill Richardson, gouverneur démocrate du Nouveau-Mexique qui a, par le passé, joué un rôle d'intermédiaire entre Washington et la Corée du Nord, est à Pyonggyang pour une mission destinée à "apaiser la tension dans la péninsule". La Chine n'a pas voulu condamner publiquement la Corée du Nord pour les bombardements du 23 novembre, plaidant au contraire pour la reprise des pourparlers à six sur la dénucléarisation de la péninsule. Pyongyang réclame de reprendre sans conditions ces négociations avec la Corée du Sud, les Etats-Unis, la Chine, le Japon et la Russie. Washington et Séoul s'y opposent, estimant que le Nord n'a pas à être récompensé pour ses actes hostiles. Les experts s'accordent à penser que la Corée du Nord s'appuie sur la menace d'attaques pour forcer la reprise de négociations et obtenir des aides économiques. Les récents soubresauts dans la péninsule coréenne pourraient aussi être liés au processus de transition dynastique à l'œuvre à Pyongyang, où le dirigeant Kim Jong-il prépare l'accession au pouvoir de son fils Kim Jong-un.