L'amour des livres vous tombe dessus, de façon souvent inattendue. Sportif de haut niveau, Naceur Jeljeli, capitaine de l'équipe nationale et de l'Espérance Sportive de Tunis, section handball, de la grande époque des Jelili et autres Sbabti et Besbès, était plus préoccupé de records et de performances que de mots et d'images. Et on voyait davantage cet athlète sur le terrain que penché sur des maquettes ou des manuscrits. Et pourtant, et comme quoi, il ne faut jamais jurer de rien, et surtout pas des fontaines dont on ne boira pas l'eau, Naceur Jeljeli, aujourd'hui à la tête de la prestigieuse maison d'édition Simpact, est un de nos plus grands éditeurs, un des rares qui font du livre pour le plaisir, et souvent, il faut l'avouer, à perte. «J'ai trouvé le moyen de gagner ailleurs l'argent que je perds dans les livres», a-t-il coutume de confier. Même si cet ailleurs concerne souvent le papier. Industriel, président de fédération à l'Utica, promoteur immobilier, Naceur Jeljeli est un homme extrêmement occupé. Mais il trouve toujours le temps de parler de sa passion du livre. Et, accessoirement, de quelques autres choses… brièvement Si Naceur, c'est par un tout autre parcours que vous avez commencé votre vie adulte. Le sport (en l'occurrence, le handball) est un choix, mais aussi une éthique, un modus vivendi. Le sport développe la culture de l'effort et de la rigueur. C'est par la technique, je crois que vous êtes arrivé au livre, et par l'imprimerie à l'édition. Est-ce le meilleur moyen? Il s'agit d'une synergie qui me convient Aujourd'hui, vous êtes un imprimeur de niveau international et un éditeur éclectique. Quel est le vrai Naceur Jeljeli ? Imprimeur très amoureux du beau livre. Qu'est-ce qui vous convainc d'éditer un livre: l'auteur, le sujet, ou l'opportunité ? L'idée ! La question est celle que l'on vous pose à chaque rentrée : où en est la situation du livre en Tunisie, les problèmes sont-ils toujours les mêmes, les rapports entre auteurs, éditeurs et libraires ont-ils, d'une manière ou d'une autre, évolué ? Comme je l'ai déjà dit (et écrit) pendant la consultation nationale, la commission d'achat doit acquérir systématiquement 300 exemplaires. de chaque nouveau titre pour alimenter les centaines de bibliothèques nationales. Et ce sera le cercle vertueux, combien bénéfique! Quant à la distribution, c'est l'histoire de l'œuf et la poule : le professionnalisme ou le gain. Depuis la naissance de la Toile, on prévoit la fin annoncée du livre. Qu'en pensez-vous ? Jusqu'à aujourd'hui, on constate plutôt une bonne synergie entre le Net et le livre. Aussi, il y a un côté charnel que l'ordinateur ne peut remplacer. Toutefois, je suis persuadé qu'à terme, le papier perdra du terrain. Pour être plus optimiste, quels sont vos projets en matière d'édition ? On est en train de boucler un beau livre sur «La musique tunisienne», et un autre livre sur «Tunis et la France». Quand vous regardez derrière vous, quelle est la chose dont vous êtes le plus fier ? Nos beaux livres sur le patrimoine tunisien. Quelle est celle que vous regrettez ? Un vrai livre que j'ai promis à l'Ami Zoubeïr (Turki) qui nous a quittés. Une sorte de goût d'inachevé. Vous avez une vie en dehors du livre : celle de promoteur immobilier. Comment celle-ci s'est-elle greffée sur celle-là ? La promotion immobilière ressemble drôlement à l'édition : idée, création et réalisation. Le bon goût et la réussite : c'est une question de culture. Et comme le livre, le bâtiment traverse bien le temps. Vous vous intéressez de près à l'évolution de l'art en Tunisie. Pouvez-vous nous dire quels sont vos goûts en la matière ? J'aime l'art contemporain et j'ai la chance de pouvoir collectionner des peintures et sculptures. Vous avez réussi la chose dont rêve tout chef d'entreprise: impliquer vos enfants dans l'aventure de l'édition. Comment avez-vous réussi à leur transmettre le virus du livre? Transmettre le virus de l'édition à mes enfants a été aussi naturel que facile. C'est un espace où on s'exprime sans tenir compte des contraintes commerciales: il s'agit du plus beau métier du monde.