L'auteur se penche sur chacune de ces formes musicales, sur chacune de ces cultures et leurs spécificités avant de présenter les pionniers de la musique moderne et les générations qui leur ont succédé, n'occultant rien, pas même le rap Cela faisait des années que Naceur Jeljeli, patron de la Simpact, souhaitait éditer « le » livre sur la musique tunisienne, celui qui n'a pas été fait depuis l'ouvrage du Baron D'Erlanger. Il avait essayé d'y intéresser plusieurs auteurs. Aucun n'avait la connaissance encyclopédique et la passion personnelle nécessaires pour mener à terme un tel projet, et aucun n'accrocha réellement malgré l'attrait du sujet. Il mit des années à convaincre Ali Louati, engagé par ailleurs dans d'autres projets, et auteur, pour le même éditeur, de différents ouvrages. Aujourd'hui, ce rêve d'éditeur est enfin concrétisé, et le livre abouti. Musiques de Tunisie vient de paraître avec la modeste ambition annoncée par l'auteur «d'éveiller la curiosité du lecteur pour une tradition musicale pluriséculaire, et de susciter en lui le désir de faire plus ample connaissance avec elle». Sans vouloir offenser sa modestie, le livre d'Ali Louati est bien plus que cela. Et si c'est, effectivement, une gageure que de «vouloir appréhender l'univers musical tunisien, vaste et multiforme, à la fois dans son évolution historique, dans la multiplicité de ses aspects, dans ses rapports avec la modernité, et enfin dans ses liens avec les réalités changeantes du monde contemporain», Ali Louati a su la tenir avec talent, érudition et passion. Dans une démarche méthodique, il suivra l'évolution historique générale de la pratique musicale en Tunisie depuis les premiers temps : dans la préhistoire, dont témoignent des «bruisseurs», des «rhombes» en bois et des sifflets en os. On ne sait pas grand-chose de la musique berbère de l'Antiquité, par contre, de nombreux témoignages sur la vie musicale punique ont été découverts, reproduisant cymbales et tambourins. Avec la conquête arabe, arriva la «huda» qui rythmait le pas des chameaux, mais pas seulement, comme le croyaient certains auteurs. La musique, très vite, se fit complexe, sophistiquée, ouverte aux différents courants et influences. Ce fut, entre autres, le temps de Ziryab qui marqua profondément les musiques maghrébines et le malouf tunisien. Après avoir étudié la musique ottomane, et celle de l'époque moderne, Ali Louati se pose la seule question qui s'impose : qu'est devenu cet héritage d'influences dans le creuset tunisien ? «Par héritage musical tunisien, nous entendons l'ensemble des traditions vocales et instrumentales accumulées en Tunisie, à travers une pratique continue, dont est résulté un patrimoine aux formes plus ou moins codifiées, lequel est largement reconnu par les Tunisiens comme un bien commun hérité de leur histoire». Cet héritage est fait de musique savante et de musique populaire, de musique sacrée et de musique profane. L'auteur se penche sur chacune de ces formes musicales, sur chacune de ces cultures et leurs spécificités avant de présenter les pionniers de la musique moderne et les générations qui leur ont succédé, n'occultant rien, pas même le rap. Remarquablement réalisé, ce livre a le mérite d'offrir une forme à la hauteur de son fond : papier de belle qualité, maquette élégante, iconographie recherchée, lisibilité agréable, jaquette attractive. Une belle réalisation, longtemps attendue, certes, mais le résultat est à la hauteur de ces attentes.