Le photographe tunisien Jellel Gasteli, qui expose souvent en Europe sur les thèmes du métissage culturel et de l'architecture traditionnelle (Série Blanche), vient de rendre sa médaille, reçue à Tunis en octobre dernier des mains de Frédéric Mitterrand, ministre français de la Culture, à l'ambassadeur de France en Tunisie. L'artiste, né à Tunis en 1958, diplômé de l'Ecole nationale de la photographie (France), qui a souvent participé à de grandes expositions d'art contemporain notamment à Paris et à Londres, a décidé de prendre cette position le 18 janvier, journée symbolique dans la lutte anticolonialiste. Le même jour de l'année 1952, en réaction au durcissement de la politique du Résident général Jean de Hautecloque, des manifestations de soutien à Bourguiba avaient éclaté dans tout le pays. Résultat : l'exil du leader à Tabarka. Contacté par téléphone, l'artiste a bien voulu spécifier que cette décision n'engageait que sa personne. Elle exprime en fait sa déception qu'à un moment crucial de l'histoire de la Tunisie contemporaine, la France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, fasse une déclaration indigne du pays des libertés et des Droits de l'Homme. Le coup de gueule de Jellel Gasteli a provoqué avant-hier une marée de textos sur Facebook. Beaucoup étaient signés par des artistes et des intellectuels tunisiens et français. Tous ont salué le courage, l'intégrité et la dignité qui sous-tendent cet acte. Nous publions ci-joint le texte accompagnant le geste de Jellel Gasteli : Lettre ouverte au gouvernement français de la part d'un artiste tunisien bafoué dans sa dignité. «Je confirme ma décision de restituer ma distinction de Chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres à Son Excellence Monsieur l'Ambassadeur de France en Tunisie. Cette décision est strictement personnelle et n'engage que ma dignité de citoyen tunisien. Mon acte est destiné à exprimer symboliquement mon profond désaccord avec l'attitude du gouvernement français à l'égard de la nation tunisienne et à témoigner ma solidarité envers mes concitoyens, car j'estime que la dignité du peuple tunisien a été bafouée. Je ne demande pas de cautionner, de valider, d'argumenter, de commenter et de me suivre. Ceci est mon choix».