D'habitude, on ne couvre pas une cérémonie de passation des pouvoirs entre deux ministres. L'aspect trop souvent protocolaire en faisait trop souvent un moment de pure hypocrisie où le ministre limogé et son successeur se confondaient en formules plates de remerciements pour la «confiance» de l'autorité suprême. Aujourd'hui, il n'en est rien. D'abord, il s'agit d'une cérémonie de passation des pouvoirs dans le sens propre du terme entre deux ministres et de la prise de fonctions effective entre ces deux mêmes ministres. Point, en l'occurrence, de remerciements sauf ceux adressés aux cadres du ministère et leur invitation à «tourner la page» et à se mobiliser au service de la Tunisie et du peuple tunisien. Ensuite, tout un symbole, la cérémonie a réuni deux ministres clés du gouvernement d'union nationale : M. Mohamed Nouri Jouini, ministre de la Planification et de la Coopération internationale, et M. Ahmed Nejib Chebbi, ministre du Développement régional et local. Autant dire les titulaires de deux portefeuilles clés du gouvernement de transition en ce sens que ces dossiers sur lesquels vont se pencher les deux nouveaux ministères sont ceux qui ont été l'élément décisif déclencheur du soulèvement et de la révolution populaires : le développement régional, la création d'emplois et la répartition équitable des fruits de la croissance entre toutes les régions et toutes les composantes de la société sans exclusive. Tout un symbole à la hauteur de la volonté du peuple et de l'événement historique que vit le pays depuis le 14 janvier 2011, la présence hier, côte à côte, d'un ministre ayant fait partie des précédents gouvernements et d'un ministre naguère banni et censuré, fondateur du Rassemblement socialiste progressiste, devenu depuis 2001 le Parti démocratique progressiste (PDP). Bien plus symbolique et significative de cette nouvelle liberté retrouvée, de ce nouvel air de démocratie et de construction positive qui pointe à l'horizon, est le message et pour ainsi dire la vision commune des deux ministres quant aux défis de l'avenir et à l'action immédiate à entreprendre pour éviter au pays de tomber dans le chaos, pour reprendre confiance et relancer la dynamique de développement. Le message est clair : le changement politique majeur actuel est porteur d'un nouveau mode de développement de nouvelles méthodes de gouvernance et de gestion. C'est un message qui se fonde sur la liberté, la transparence et la justice sociale; ces trois valeurs fondatrices du soulèvement et de la révolution. Ce sont ces mêmes valeurs qui militent en faveur d'une mobilisation sans précédent de toutes les forces vives du pays sans exclusive pour relever les défis de la croissance, de l'emploi et du développement régional équilibré. Ce sont ces mêmes valeurs de liberté, de justice sociale et de transparence qui représentent le meilleur atout d'un pays aux ressources relativement limitées et sérieusement ébranlé sur le plan économique par le choc révolutionnaire. Liberté, transparence et justice sociale, il n'y a, en effet, guère de meilleur message que l'on puisse envoyer aux patriotes honnêtes et intègres investisseurs tunisiens. C'est aussi le meilleur message que l'on puisse adresser aux investisseurs du monde libre à revenir et à venir investir en Tunisie. Liberté, transparence et justice sociale, ces trois valeurs portées haut et fort par la volonté du peuple tunisien sont aujourd'hui notre emblème national. C'est là la vérité et l'image que la Tunisie nouvelle est déterminée à se donner à elle-même et d'elle-même au monde entier. Liberté d'entreprendre, liberté d'initiative, liberté de création et de créativité, dans la transparence totale et avec le souci premier d'une répartition équitable et juste des fruits de la croissance, un message de liberté que tout patriote sincère doit défendre, à l'heure où le monde entier nous observe, un nouveau défi et un message d'espoir à la hauteur de la volonté du peuple tunisien.