PARIS (AP) — Aux chants de : «Justice au pas, on n'en veut pas» ou «à ceux qui veulent enterrer les affaires, la justice répond : on les laissera pas faire», entre 2.300 et 5.000 manifestants du monde judiciaire, d'habitude discret, ont défilé hier après-midi à Paris pour dénoncer notamment le projet de réforme de la procédure pénale mais aussi les réductions d'effectifs. Toutes unies, une vingtaine d'organisations comprenant les syndicats de magistrats, les personnels judiciaires, les syndicats de l'administration pénitentiaire et les avocats ont repris leur slogan : «Assis, debout mais pas couché», en cette journée «justice morte». Le cortège, parti du Palais de justice de Paris sur l'île de la Cité, a gagné les abords de la chancellerie, place Vendôme, devant des badauds étonnés de voir des manifestants en robes d'avocat ou de magistrat. Arrivés près du ministère, les manifestants ont été bloqués par des cordons de gendarmes mobiles et n'ont pas pu se rendre place Vendôme. Une délégation a toutefois été reçue par un membre du ministère mais pas par Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux. «C'est un signe du mépris gouvernemental», a assuré Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature (SM), affirmant que la ministre «ne les écoutait absolument pas». «Le simple fait qu'on soit réuni tous ensemble est une bonne chose en soi», a estimé Christophe Reignard, président de l'Union syndicale des magistrats (USM). Dans le cortège, les juges d'instruction antiterroriste Gilbert Thiel et financier Renaud van Ruymbeke ont dénoncé la mainmise du pouvoir sur la justice. «Qu'on fasse confiance à la justice et qu'on préserve son indépendance», a dit M. Van Ruymbeke à quelques journalistes. L'avant-projet de la réforme de la procédure pénale présenté la semaine dernière, contre lequel tous les syndicats de magistrats s'opposent, prévoit la suppression du juge d'instruction et du juge des libertés et de la détention (JLD) au profit d'un juge de l'enquête et des libertés (JEL). Le parquet sera chargé des investigations à charge et à décharge sous le contrôle du JEL. Le parquet français n'est pas considéré comme indépendant par la Cour européenne des droits de l'Homme (Cedh), car soumis hiérarchiquement au gouvernement. Avec des banderoles dénonçant «une justice aux ordres», le manque d'indépendance de la justice et les moyens limités, les manifestants ont scandé : «Sarkozy, t'es foutu, ta justice est dans la rue». Selon un communiqué commun, la réforme «apparaît comme une volonté du pouvoir politique de contrôler les affaires sensibles ou gênantes pour le gouvernement». Les syndicats dénoncent aussi «les effectifs de magistrats et de fonctionnaires des greffes» qui «sont réduits au point d'hypothéquer le fonctionnement normal de l'institution», alors que «le budget de la justice judiciaire, déjà l'un des plus faibles d'Europe, stagne, contrairement aux affirmations de la chancellerie». Enfin, l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ont critiqué la révision générale des politiques publiques (RGPP) dont l'application «brutale» se traduit par des «restructurations» et des «décisions dévastatrices», selon le communiqué.