Par Slaheddine GRICHI Non, Messieurs du Syndicat de l'enseignement de base, qui avez imposé la grève, vous n'êtes pas les tuteurs de mes enfants. Figurez-vous qu'ils ont eu le temps, depuis qu'ils sont cloîtrés à la maison, de comprendre qu'ils n'iront pas à l'école de sitôt, par votre décision. Je tâcherai qu'ils assimilent que vous en avez fait l'enjeu d'un tour de force indigne de syndicalistes vrais, dont la tâche n'est pas d'interférer dans le politique, mais de défendre les intérêts des travailleurs, à moins qu'ils ne constituent une couverture pour un parti ou un autre. Non, Messieurs, mes enfants ne vous tiendront pas grief si vous ne défendez (?!) pas une révolution qui n'est, d'ailleurs, pas la vôtre, mais ils vous en voudront à mort parce que vous avez privilégié vos «droits» (vos intérêts, devrais-je dire) individuels, au détriment de l'un de leurs droits collectifs. Le droit à l'enseignement, dois-je vous le rappeler, est collectif, tout comme le droit à la sécurité, au logement, au travail… Vos déclarations enflammées aux médias ne les ont pas convaincus. Loin de là… Je croyais que les institutions et les syndicats sectoriels de mon Ugtt aimaient mes enfants, veillaient à me protéger et ne s'érigeaient pas en «recteurs» politiques et en instruments de menace et de dictature, comme l'a fait avant-hier un membre du Syndicat de l'enseignement primaire, face à des millions de téléspectateurs. Parce que ma centrale syndicale n'a pas empêché cette injustice ni dénoncé une action illégale et illégitime (grève sans préavis et n'émanant pas d'une commission administrative du secteur, avec la présence d'un représentant du bureau exécutif), je ne veux plus adhérer à l'Ugtt et je m'inscrirai dans tout mouvement qui viserait la création d'une autre structure syndicale. Beaucoup de voix s'élèvent déjà, dans ce sens, puisqu'il est naturel et logique d'exiger le multi-syndicalisme, à l'instar du multipartisme et dans l'esprit du pluralisme. La pensée unique est mère du totalitarisme, même syndicaliste; le peuple tunisien ne saurait l'admettre. Vous croyez peut-être aimer la Tunisie, mais la Tunisie qui a, aujourd'hui, besoin d'être reconstruite, ne vous aime pas. Vous n'avez rien fait pour. Ne dites pas ce que le pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous avez fait et ce que vous faites pour lui.